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Le pape François et la Curie romaine

Des paroles fortes

17 janvier 2017

Le discours du pape François, lors de la présentation des vœux de Noël à la Curie romaine, lundi 22 décembre 2014 au Vatican, a suscité un écho considérable. Cela tient à la liste des quinze « maladies » pouvant affecter les collaborateurs du Saint-Siège dont le pape François a fait une liste détaillée et argumentée, qu’il égrène très simplement et courageusement. Ces quinze maladies et tentations qui affaiblissent le service de l’Évangile n’étant pas la spécificité de la Curie romaine, la méditation de cette dénonciation peut nourrir la réflexion de toute l’Église.

  1. La maladie de celui qui se sent immortel, immunisé ou tout à fait indispensable et néglige les contrôles nécessaires et habituels. Une Curie qui ne fait pas son autocritique, ne s’ajuste pas en permanence, ne cherche pas à s’améliorer, est un corps malade, infirme. […] C’est la maladie de l'homme riche et insensé de l’Évangile, qui pensait vivre éternellement (cf. Lc 12,13-21), et de tous ceux qui se transforment en maîtres et se sentent supérieurs à tous, et non au service de tous. […] L’antidote à cette épidémie est la grâce de se sentir pécheurs et de savoir dire de tout cœur : nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir (Lc 17, 10).
  1. Autre maladie : le marthalisme (qui vient de Marthe) qui concerne ceux qui se noient dans le travail et négligent inévitablement la meilleure part : s’asseoir aux pieds de Jésus (cf. Lc 10,38-42). C’est pourquoi Jésus a demandé à ses disciples de se reposer un peu (cf. Mc 6,31), car négliger le repos nécessaire conduit au stress et à l'agitation. […] Il faut retenir ce qu'enseigne Qohéleth : Il y a un moment pour tout (Qo 3,1-15).
  2. Il y a aussi la maladie de la pétrification mentale et spirituelle. Ceux qui en sont atteints possèdent un cœur de pierre et une nuque raide (Ac 7,51-60). Ce sont ceux qui, chemin faisant, perdent leur sérénité intérieure, la vivacité et l’audace, et se cachent derrière leurs dossiers, devenant les rois du formulaire et non des hommes de Dieu (cf. He, 3,12). Il est dangereux de perdre cette sensibilité humaine qui permet de pleurer avec ceux qui pleurent et de se réjouir avec ceux qui se réjouissent ! […] Être chrétien, en fait, signifie avoir les dispositions qui sont dans le Christ Jésus (cf. Ph 2, 5), dispositions à l'humilité et au don, au détachement et à la générosité.
  3. La maladie de la planification excessive et du fonctionnarisme est celle de l’apôtre qui planifie tout minutieusement et croit que planifier à la perfection fait réellement avancer les choses. Il se transforme pratiquement en expert-comptable ou en fiscaliste. Tout bien préparer est nécessaire mais il ne faut jamais succomber à la tentation de vouloir enfermer ou piloter la liberté de l’Esprit Saint, qui demeure toujours plus grande, plus généreuse que toute planification humaine (cf. Jn 3,8). […] Domestiquer l’Esprit Saint ! Il est fraîcheur, imagination, nouveauté.
  4. La maladie de la mauvaise coordination, advient quand il n’existe plus de communion entre les membres et que le corps est privé de son fonctionnement harmonieux et de sa tempérance en devenant un orchestre qui produit seulement du chahut, parce que ses membres ne collaborent pas et ne vivent pas l’esprit de communion et d’équipe. Lorsque le pied dit au bras : je n'ai pas besoin de toi ou la main à la tête : c'est moi qui commande, provoquant ainsi malaise et scandale.
  5. Il y a aussi la maladie d’« Alzheimer spirituelle », c’est-à-dire l’oubli de l'histoire du salut, de l'histoire personnelle avec le Seigneur, du premier amour (Ap 2,4). Il s'agit d'un déclin progressif des facultés spirituelles qui, à plus ou moins long terme, provoque de graves handicaps chez la personne, la rendant incapable d'exercer une activité autonome. Celle-ci vit dans un état de dépendance absolue vis-à-vis de ses vues souvent imaginaires. Nous détectons cette maladie chez ceux qui ont perdu la mémoire de leur rencontre avec le Seigneur ; […]
  6. La maladie de la rivalité et de la vanité apparaît quand l’apparence, les couleurs des vêtements, les signes honorifiques deviennent le premier objectif de la vie, et que l’on oublie les paroles de saint Paul : Ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres (Ph 2,3-4). […] (Ph 3, 18-19).
  7. La maladie de la schizophrénie existentielle est la maladie de ceux qui ont une double vie, fruit de l’hypocrisie typique du médiocre et du vide spirituel progressif que les diplômes et les titres académiques ne peuvent combler. Une maladie qui frappe souvent ceux qui, abandonnant le service pastoral, se limitent aux tâches bureaucratiques et perdent ainsi le contact avec la réalité, avec les personnes concrètes. Ils créent ainsi un monde parallèle, à eux, où ils mettent de côté tout ce qu'ils enseignent sévèrement aux autres et où ils commencent à vivre une vie cachée et souvent dissolue. La conversion est assez urgente et indispensable pour lutter contre cette maladie extrêmement grave (cf. Lc 15,11-32).
  8. La maladie de la rumeur, de la médisance et du commérage est une maladie grave, qui commence simplement, peut-être seulement pour faire un brin de causette et qui s’empare de la personne. Celle-ci se met alors à semer de la zizanie (comme Satan) et, dans beaucoup de cas, à assassiner de sang froid la réputation de ses propres collègues et confrères. […] Frères, gardons-nous du terrorisme des bavardages !
  9. La maladie qui consiste à diviniser les chefs. C’est la maladie de ceux qui courtisent leurs supérieurs en espérant obtenir leur bienveillance. Ils sont victimes du carriérisme et de l’opportunisme, ils honorent les personnes et non Dieu (cf. Mt 23,8-12). […] Cette maladie pourrait frapper aussi les supérieurs quand ils courtisent certains de leurs collaborateurs pour obtenir leur soumission, […].
  10.  La maladie de l’indifférence envers les autres qui survient quand chacun ne pense qu’à soi et perd la sincérité et la chaleur des relations humaines. Quand le plus expert ne met pas ses connaissances au service des collègues qui le sont moins. Quand on vient à apprendre quelque chose et qu’on le garde pour soi au lieu de le partager de manière positive avec les autres. Quand, par jalousie ou par ruse, on éprouve de la joie à voir l'autre tomber au lieu de le relever et de l'encourager.
  11. La maladie du visage lugubre est celle des personnes bourrues et revêches, qui estiment que pour être sérieux il faut porter le masque de la mélancolie, de la sévérité, et traiter les autres, surtout ceux que l’on considère comme inférieurs, avec rigidité, dureté et arrogance. En réalité, la sévérité théâtrale et le pessimisme stérile sont souvent les symptômes d’un sentiment de peur et d’insécurité. […] Un cœur empli de Dieu est un cœur heureux qui irradie et communique sa joie à tous ceux qui l'entourent : cela se voit tout de suite ! […] Réciter souvent la prière de saint Thomas More nous fera le plus grand bien, je le fais tous les jours, cela me fait du bien[1].
  12. La maladie qui consiste à accumuler. Souffre de celle-ci l’apôtre qui cherche à combler un vide existentiel dans son cœur en accumulant les biens matériels, non pas par nécessité, mais seulement pour se sentir en sécurité. […] À ces personnes, le Seigneur rappelle, Tu dis : ‘Je suis riche, je me suis enrichi, je ne manque de rien’, et tu ne sais pas que tu es malheureux, pitoyable, pauvre, aveugle et nu ! […]. Eh bien, sois fervent et convertis-toi (Ap 3, 17-19). […]
  13. La maladie des cercles fermés, est fréquente quand l’appartenance à un petit groupe devient plus forte que celle au Corps et, dans certaines situations, au Christ lui-même. Cette maladie, elle aussi, commence toujours par de bonnes intentions mais, au fil du temps, elle asservit ses membres, devient un cancer qui menace l’harmonie du Corps et cause tellement de mal, des scandales. […] C'est le mal qui frappe de l'intérieur et, comme le dit le Christ, tout royaume divisé contre lui-même devient désert (Lc 11, 17).
  14. Et la dernière, la maladie du profit mondain, des exhibitionnismes, est celle de l’apôtre qui transforme son service en pouvoir et son pouvoir en marchandise pour obtenir des profits mondains, ou davantage de pouvoir. C’est la maladie des personnes qui cherchent insatiablement à multiplier les pouvoirs et, dans ce but, ils sont capables de calomnier, de diffamer, de discréditer les autres, jusque dans les journaux et les magazines. [… ]

Mes amis, seul l’Esprit Saint guérit toute maladie !

Extraits choisis / Nicole Vernet

[1] Le 6 juillet 1535, Tomas More était conduit à l’échafaud et décapité après un séjour de quinze mois en captivité dans la Tour de Londres en attendant son jugement. Il avait refusé de prêter le serment exigé par Henri VIII après sa rupture avec Rome. Voici cette prière : « Donne-moi une bonne digestion, Seigneur, et aussi quelque chose à digérer. Donne-moi la santé du corps avec le sens de la garder au mieux. Donne-moi une âme sainte, Seigneur, qui ait les yeux sur la beauté et la pureté, afin qu’elle ne s’épouvante pas en voyant le péché, mais sache redresser la situation. Donne-moi une âme qui ignore l’ennui, le gémissement et le soupir. Ne permets pas que je me fasse trop de souci pour cette chose encombrante que j’appelle « moi ». Seigneur, donne-moi l’humour pour que je tire quelque bonheur de cette vie et en fasse profiter les autres. » (Source : site de l’Église catholique en France).

 

Nicole Vernet
Rédactrice - Journal Liens protestants

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