Question d’actu

Couples « irréguliers », le cadeau empoisonné du Vatican

24 janvier 2024

L’Église catholique vient d’autoriser la bénédiction de couples « irréguliers » sous conditions. Ce texte novateur peut être considéré comme un changement majeur de cap. Mais c’est aussi un pas de côté qui fige les positions.

Depuis des générations, les couples non mariés, les personnes divorcées souhaitant vivre une nouvelle union et les couples homosexuels attendaient un geste de l’Église catholique pour reconnaître leur légitimité, tout au moins le respect de leur choix.

 

Une grande avancée

En réponse aux questions de certains évêques, le Dicastère pour la doctrine de la foi, sorte de cour suprême du Saint-Siège, a fait paraître le texte Fiducia supplicans, validé par le pape François une semaine avant Noël. Pour la première fois depuis des siècles, un écrit non révocable reconnaît le bien-fondé de la bénédiction pour des couples que l’on qualifiait autrefois d’ « illégitimes ».

C’est une grande avancée dans l’état d’esprit, car cela marque la fin d’une période de blocage où la négation d’un couple fabriquait autant d’excommuniés, eux-mêmes techniquement parents de futurs bâtards s’ils souhaitaient accueillir des enfants.

 

@ Louise Tilleke Le pape François (“Ne demande pas à la Terre…”), technique mixte sur toile, 2018

@ Louise Tilleke

Le pape François (“Ne demande pas à la Terre…”),
technique mixte sur toile, 2018

Cadeau de dupes

Mais la bénédiction est officiellement accordée pour une raison pastorale et non pas dogmatique. C’est-à-dire qu’elle est concédée à la réalité pour accompagner avec bienveillance la faiblesse de l’humanité pécheresse, sans reconnaître aucune légitimité canonique ni lever les interdictions de communier.

Cela est rendu possible par une distinction entre deux formes de bénédiction. D’une part la bénédiction liturgique implique que l’union soit conforme à la volonté de Dieu exprimée par l’enseignement de l’Église ; c’est elle qui légitime le couple. D’autre part une bénédiction d’ordre pastoral prend en compte la demande de personnes souhaitant l’aide de Dieu pour les soutenir dans la souffrance de leur situation présente.

 

Cela génère une grande souffrance

Cette double manière de juger de ce qui est conforme à Dieu et de bénir ce que l’on considère comme une souffrance dans le péché n’est pas nouvelle. Elle est à la source d’une forme de disgrâce de la différence ou de ce qui sort de la règle.

On en voudra pour preuve l’interdiction renouvelée de célébrations liturgiques ou de quelque forme de fête que ce soit. Cette bénédiction en catimini de couples égarés sur le chemin de la vie restera donc conforme au droit canon actuel : une sorte de « je reconnais ta relation si tu reconnais que c’est pécher ».

 

Ouverture quand-même

La frange la plus conservatrice de l’Église catholique conteste cependant ce texte, qui autorise en effet une forme de bénédiction et revêt un caractère irrévocable. On peut ici reconnaître l’habileté du pape François à insinuer un coin pastoral dans une fissure du droit canon que le Dicastère aura mis douze ans à déceler. En langage informatique on traiterait François de « hackeur », ce simple coin ouvrant la boîte de Pandore pour trouver d’autres brèches dans le futur.

Côté protestant, la réception de ce document est mitigée. Les Eglises « semper réformanda » s’accommodent mal du droit canon, mais la reconnaissance des mariages biconfessionnels célébrés dans des temples pourrait bien être une prochaine étape.

Marc de Bonnechose
Paroles protestantes Paris

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