Vivre ensemble la différence

01 février 2019

Dans les années deux mille, lancé à l’initiative d’un abbé à Blois, un groupe chrétiens/musulmans voyait le jour. Aujourd’hui dans ce groupe sont représentés les confessions musulmane sunnite, chiite, catholique romaine et protestante luthéro-réformée. Envie de comprendre, désir de se rencontrer et s’interpeller dans notre foi respective, sont les moteurs de ces rencontres.

 

 

 
«Si je diffère de toi… Loin de te léser, je t’augmente » écrit Antoine de Saint-Exupéry1. La différence ne doit pas être une fin de non-retour dans le dialogue avec ceux qui diffèrent de nous y compris dans leur foi en Dieu.

Inviter

Au-delà des difficultés parfois pratiques, s’inviter à nos tables, renvoie à l’hospitalité, donc une part de notre identité chrétienne : la veuve de Sarepta donne à Élie ses dernières rations de nourriture durant la famine, Abraham accueille trois hommes de passage sous le chêne de Mambré. L’invité devient également un précieux cadeau : ange du Seigneur qui annonce l’arrivée d’un Fils pour Sara, prophète qui relèvera le fils d’entre les morts.
La distinction entre hôte et invité est bouleversée : c’est l’invité qui offre et l’hôte qui reçoit. Contribuer à promouvoir la paix et l’harmonie des diverses communautés religieuses, peut débuter par un repas.

Prier

En 2010, grâce à Bernadette, engagée au secours catholique, ce groupe a pris, durant un temps, la figure des femmes en difficulté qui se rencontraient à l’association : « La pauvreté touche tout le monde, et cela peut être une base pour agir ensemble » rapportait à l’époque Lahcen.
Chemin faisant, des invitations pour les fêtes respectives ont été envoyées : Noël, Aïd- el- Fitr rupture du jeûne à la fin du Ramadan furent des temps d’écoute, mais également de questionnements. On y va, mais peut-on prier ensemble, sous quelle forme ? Souhait qui s’est par la suite concrétisé lors d’un moment spirituel en 2016 : invocations pour les musulmans, prières pour les chrétiens, conclu par un moment de partage dans une salle paroissiale de l’église Saint Joseph. « C’était une belle initiative », « J’ai vu avec quelle intensité, quelle foi, ils s’adressaient à Dieu » rapportent encore aujourd’hui des personnes qui avaient participé à ce moment.

Et discuter

Voir pour désamorcer la peur de l’autre, l’angoisse que peut représenter un monde que nous ne connaissions pas et peut-être, envisager de se réjouir ensemble. C’est un défi ! Défi qui poussa ce groupe à s’exprimer publiquement, ensemble, après les attentats contre le journal Charlie Hebdo en 2015 par le biais d’une lettre écrite à deux mains.
Aujourd’hui, la formule table ronde et discussion semble avoir été adoptée, avec des thèmes très variés : laïcité, éducation des enfants, famille, le corps, réfugiés et solidarité. D’autres projets plus concrets sont en cours : qu’est-ce que la Création nous rappelle sur notre foi ? En marchant, sur les bords de la Loire, il s’agit d’une invitation à redécouvrir la nature ensemble ! Une rencontre dans une école privée catholique est prévue pour inviter les enfants à la réflexion sur le rôle des religions dans notre société.
Quel sens donner à cette diversité qui dérange, affole certains, ou bien est idéalisée par d’autres ? Pensons à l’image de la femme syro-phénicienne, dans l’évangile de Marc : elle comprend son identité grâce à la différence, l’altérité radicale du Christ. De la différence, des amitiés profondes peuvent naître. Cela n’élude pas les doutes et les peurs, mais leur donne un sens : l’altérité est ce qui fait vivre notre foi, nous pousse au désir de vivre.

Agnès Thilakarathne

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