Cinéma

Vers la lumière

01 janvier 2018

Le travail sur la vision et sur la perception est, depuis l’invention des bien nommés frères Lumière, au cœur du cinéma, dont Henri Alekan, le mythique directeur de la photographie qui éclaira 130 films avec les plus grands réalisateurs, disait qu’il doit « faire voir et émouvoir » grâce à une « lumière juste ». C’est bien la lumière de l’invisible que transmettent les images de Naomi Kawase, ce qu’Abel Gance appelait « l’âme des images ».

Ici, comme dans Les délices de Tokyo, il s’agit encore de la rencontre de deux êtres marginalisés. Misako, une ravissante jeune femme, audiodescriptrice de films pour malvoyants, et Nakamori un célèbre photographe dont la vue se détériore irrémédiablement. Misako aime à décrire très finement les images en mouvement sur l’écran pour révéler sensations et émotions à ceux qui ne peuvent plus les voir. Elle ressent comme un grand bonheur chaque seconde de son existence, qui s’épanouit dans une très grande curiosité pour les petites choses de la vie quotidienne. Pour Nakamori, un nouveau rapport au monde et aux autres se construit. Il doit désormais apprivoiser et développer d’autres sens pour compenser la perte et imaginer ce qu’il ne voit plus.

Ces deux histoires parallèles, mais renversées – il va vers l’obscurité alors qu’elle est aspirée par la lumière – illustrent deux façons de percevoir le monde. Elles vont faire naître entre eux des sentiments forts et un amour qui, face aux fantasmes de mort qui les assaillent, semblent plus le reflet d’une pulsion de vie que l’expression d’une véritable relation passionnée. Y a-t-il des choses qui échappent à notre perception même si nous pouvons les voir ? Pouvons-nous percevoir ce que nous ne voyons pas ? La réalisatrice explore ces questions en miroir par des miroitements de lumière et tisse les images du présent avec celles du passé en des cadrages serrés, avec une surabondance de gros plans et une bande-son exubérante. L’approche contemplative et empathique de ce poème philosophique lui a valu à Cannes le Prix du jury œcuménique.

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Vers la lumière (Hikari). Naomi Kawase. Sortie le 10 janvier 2018. 1h41mn.

Jean-Michel ZUCKER,
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