Cap au large

Un aumônier militaire à Djibouti

01 avril 2018

Aumônier aux Armées et pasteure de l’EPUdF, Françoise Vinard est partie quatre mois et demi à Djibouti dans le cadre d’une mission. Elle nous raconte ici ce séjour aux multiples facettes.

Mais où se trouve donc Djibouti ? Situé dans la Corne de l’Afrique, Djibouti partage ses frontières avec l’Éthiopie, l’Érythrée et la Somalie. Arrivée sur place, je réalise vite qu’il n’y avait pas une Afrique, mais cinq Afriques : l’Afrique de l’est, dans laquelle je me trouve, l’Afrique du nord, l’Afrique de l’ouest, l’Afrique centrale et l’Afrique du sud. D’où cette lapalissade : le Norvégien est aussi éloigné du Portugais, que le Djiboutien du Camerounais !
La chaleur est éprouvante. Elle peut atteindre 51 degrés à l’ombre avec un taux d’humidité pouvant avoisiner les 90 %. Pour couronner le tout, les rares pluies sont pénibles, car le sol, ne pouvant éponger l’eau, devient une délicieuse pataugeoire, terre de prédilection des moustiques…
 
Françoise au bord du golfe d’Aden
© Françoise Vinard

Avec plus de 900 000 habitants, ce pays est en forte croissance démographique. Les musulmans y sont majoritaires à 94 % et les chrétiens très minoritaires à 6 % avec quasiment aucun Djiboutien.

Un traité de coopération

Vitraux de l’aumônerie protestante
© Françoise Vinard
  La présence des Français à Djibouti est une vieille histoire commerciale, car situé sur le chemin de l’Inde, du Tonkin, de l’Ethiopie, de la soie, du trafic d’armes et du pétrole, doublée d’une histoire politique. Djibouti sera, à partir du XIXe, une colonie puis un territoire pour finalement devenir indépendant en 1977.
Aujourd’hui, Djibouti est une république avec à sa tête, Ismail Omar Guelleh, président depuis bientôt dix-neuf ans.
L’activité militaire française répond à un traité de coopération en matière de défense avec l’état djiboutien* (1977) : surveiller les frontières, contribuer à la formation des forces africaines partenaires, engagées dans la stabilisation du continent africain…

Une mission à Djibouti est toujours riche du fait de la multiplicité des régiments, des unités et des services, envoyés en séjour ou sur une plus courte période. L’aumônier a le privilège d’aller à la rencontre de toutes et de tous, ce qui constituait, avec mes deux collègues catholique et musulman, l’essentiel de notre mission.
Arrivée sur le terrain, une surprise : pas de wifi. Je me souviendrai toujours d’un petit déjeuner à Djibouti avec des cadres qui, précédant leur troupe, découvraient la difficulté de communication avec la France : On arrive du Sahel, et là-bas, on avait Internet comme on voulait, tant qu’on voulait ! Ils ont été heureux de trouver l’oreille d’un aumônier qui les comprenait.

Le moral des militaires

J’ai observé que les familles avaient un bon moral. Certes, la vie est chère, il faut régler moult problèmes courants et administratifs mais combien de femmes m’ont confié être heureuses de voir leur mari tous les soirs à la maison !

Les enfants sont pris en charge du jardin d’enfants au lycée, avec un rythme adapté au climat extrême. Une grande amitié entre toutes ces nombreuses familles est enrichie par les multiples clubs de loisirs et de sport ainsi que les sorties dites « nomados » sur terre et sur mer, comme les expéditions incontournables au lac Assal et au lac Abbé, curiosités géologiques exceptionnelles. Les compensations financières aidaient aussi à accepter la dureté du climat et l’éloignement.  
Enfants faisant du commerce au lace Abbé © Françoise Vinard

J’ai remarqué qu’il est préférable de ne pas partir en emportant dans son paquetage des soucis d’argent, des fragilités de couple ou la mauvaise santé d’un proche.
Je me demande si l’Opex n’aurait pas parfois un effet multiplicateur : que ce soit dans le positif ou dans le négatif. Nous le savons, c’est dans les difficultés que se révèle le fond de l’homme, ses qualités et ses défauts. Ainsi, mauvais caractères, relations difficiles au travail, mais aussi générosité, esprit de service… tout serait multiplié.
Avec les assistants sociaux, les aumôniers accompagnent les militaires dans des situations de séparations, de maladies, d’éloignements… Dans ces difficultés, les militaires à Djibouti ont à l’évidence, un grand besoin d’écoute et d’amitiés.

L’aumônier, une passerelle 

Durant mon séjour, j’ai mis en place un atelier lecture ouvert à tous avec l’Évangile selon Pilate d’Éric Emmanuel Schmitt, L’Alchimiste de Paulo Coelho puis L’Âme du monde de Frédéric Lenoir, ainsi qu’un temps biblique avec la lecture de l’évangile de Marc. De beaux moments de partages.
L’aumônier, ayant le privilège de rencontrer du monde, sert de passerelle entre des personnes qui naturellement ne se rencontrent pas. Chaque vendredi, j’ai donc rempli ma voiture pour des sorties diverses comme le zoo, ou des repas de cohésion sur la base navale. Un réel succès ! Ainsi des militaires, issus des différentes armées (armée de terre, armée de l’air, marine, gendarmerie, sapeurs-pompiers…) et ce, du jeune soldat à l’officier supérieur, pouvaient tisser des liens d’amitié.
Et puis, évidemment, chaque dimanche soir, la voiture de l’aumônier se remplissait pour le culte vivant et dynamique de l’Église protestante de Djibouti avec ses chants rythmés, sa liturgie classique et ses prédications édifiantes. Protestants, catholiques ou curieux en revenaient toujours enthousiastes ! Les Églises, quels magnifiques lieux d’intégration !
Cette mission sur cette terre des extrêmes restera pour mon ministère une expérience inoubliable.

 
Crue d'un oued à côté du camp © Françoise Vinard
 

 

 
Françoise Vinard

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