Les fruits - Le protestantisme dans la société - n° spécial

Si la fin du monde était pour demain, aujourd’hui je planterais un pommier

31 mars 2018

En Allemagne, et peut-être aussi ailleurs, la citation la mieux connue de Luther est celle du titre ci-dessus. On le trouve en exergue d’ouvrages de jardinage ou d’écologie, intégré dans des poèmes, sur une stèle, et il y a même une « Stiftung-Apfelbaum » - « Fondation le pommier » qui s’en inspire.

Pour peu on croirait que Martin Luther fut un « Homme qui plantait des arbres », tel le héros de Jean Giono, ou tel que Wangari Maathai, la planteuse d’arbres du Kénia. Est-ce vraiment le cœur du message de Luther ? Évidemment, non. Et d’ailleurs, où se trouve-ils dans ses écrits ?
Martin Schloemann, professeur de théologie, s’étonna que ce soit l’histoire du pommier qui soit devenue emblématique de Luther. En effet, cette phrase passe sous silence tous les points centraux de sa théologie : péché, pardon, croix. En analysant la manière dont la citation est employée, il dresse alors une histoire de la mentalité allemande d’après guerre.
Il pose aussi la question de l’origine, sans aboutir à un résultat sûr. Parmi d’autres, aussi bien Cicéron que Rabbi Yohanan ben Zakkai sont des sources possibles du dicton. Dans son livre « Hier stehe ich, es war ganz anders » (Me voici, c’était tout à fait différent - 2016), Andreas Malessa publie l’état des recherches en Luther-pomologie.
Alors, surprise : la première trace écrite date d’octobre 1944, dans la conclusion d’une lettre circulaire clandestine du pasteur Karl Lotz, membre de l’Église confessante, un mouvement protestant de résistance spirituelle au national-socialisme. Le premier, il ne plante pas juste un arbre, mais un pommier. Peut-être comme une allusion au pommier du Cantiques des cantiques ? Ou parce qu’en octobre il était heureux de retrouver le goût des pommes ? Et pourquoi Luther ? Tous les mystères ne sont pas encore résolus. Mais ceci est un bel exemple de la façon dont naissent les légendes. 

 

© Angelika Krause

 

 

Ariane Massot

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