Le tronc - n° spécial

Sexualité, conjugalité, parentalité - Luther entre continuité et réforme

31 mars 2018

Christophe Jacon, pasteur et informateur régional, nous conduit sur les pas de Martin Luther au Moyen Âge et explique comment Luther, à travers son expérience de foi, sa vie conjugale et parentale, a eu une autre image de la femme, de la sexualité, du mariage et des relations parentales. Ses propos sont retranscrits par Christiane Hervaud, de l’Église protestante unie de Rochefort.

Au Moyen Âge, la femme est considérée comme un objet. Elle est pour l’homme, un bien meuble. L’homme a tout pouvoir, sur elle : il peut la battre et ne sera jamais repris pour cela. Elle est pleinement soumise et n’a rien à dire. Elle doit obéir et faire les travaux de la maison, s’occuper des enfants. La seule valeur qu’on lui reconnaisse est celle d’être mère. Et encore, cela aussi a évolué, car pendant longtemps la femme idéale était celle qui devait, au regard de l’Église catholique, rester vierge et vivre dans un couvent.

Des idées révolutionnaires

Le célibat et la virginité étaient considérés comme la voie royale. Mais comme tout le monde ne peut emprunter ce chemin, l’Église catholique a admis le mariage, qu’elle a institué en sacrement en 1181.
Concernant la sexualité, les théologiens du Moyen Âge l’ont montrée comme mauvaise, la liant à la chute. Alors, l’Église catholique va l’encadrer le plus possible. Elle va, par exemple, interdire l’acte sexuel les dimanches, mercredis et vendredis, les jours de jeûne et les jours de fête. Quant à l’amour, il n’a aucune valeur à cette époque, on ne se marie pas par amour, et il n’est pas de bon ton d’aimer sa femme et ses enfants.
Luther vivait sous l’influence des idées et pratiques de son époque. Il va néanmoins, peu à peu, s’en dégager et donner une autre vision du couple et de la sexualité.
Le point le plus connu est celui du mariage et du divorce. Les moines et les nonnes peuvent quitter le couvent s’ils vivent mal leur célibat, qui doit être choisi et non imposé.
Le mariage est noble, mais il n’est pas sacré. Il reconnaît à l’État de dicter les conditions de mariage et de gérer les contentieux. Il opère là une véritable révolution. Il ne dévalorise pas le mariage en le désacralisant, au contraire, en disant que le mariage est voulu par Dieu, il lui donne toute sa valeur.

Vers l’égalité des sexes

Lui-même se mariera tardivement, à l’âge de 42 ans, après avoir quitté la vie monastique. Il épousera Katharina Von Bora qui, elle aussi, était dans un couvent et en était sortie. C’est en vivant avec cette femme de caractère, indépendante et cultivée, qu’il va apprendre la valeur de la femme, et assumer sa différence d’opinion par rapport à son temps. Il aimera sa « Käthe », « sa chérie », son « seigneur » comme il aimait l’appeler et il dira à ses contemporains qu’il est bon d’aimer sa femme et de vivre une sexualité épanouie et fidèle. Il préconisera le divorce dans les cas d’impuissance, d’adultère, de désertion du domicile, par exemple et admettra le remariage.
En devenant père, il changera aussi la façon de vivre la paternité. À cette époque, l’éducation revenait à la femme et le père ne s’occupait ni n’aimait particulièrement ses enfants. Lui, va aimer ses enfants et prendre du temps avec eux, malgré son travail important, et ses déplacements. Il sera très touché par la mort de sa fille Madeleine, et le montrera.
Concernant la sexualité, Luther ne la considère pas comme un péché. La femme n’est pas celle qui entraîne l’homme dans le péché. Tous les deux, homme et femme, sont pécheurs et ont besoin de la grâce de Dieu. Luther reconnaît le désir sexuel et le prend en compte. Il va valoriser le couple et décrier la prostitution, ce qui n’était pas le cas à cette époque. Il donnera à l’homme et la femme la même place et soulignera leur égalité.
Luther bien qu’étant un homme de son temps et marqué par son empreinte a su évoluer dans sa pensée et ses habitudes. Par ses changements, qu’il a démontré par sa vie, il a exprimé la promesse d’une humanité réconciliée et l’acceptation de l’autre dans son altérité.

Christiane Hervaud

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