Histoire

Saumur et son Académie*

01 juin 2018

Un groupe de l’Église locale de Royan s’est rendu à Saumur pour une découverte de cette place de sûreté protestante qui a connu une période particulièrement faste du XVIe au XVIIe siècle.

La visite de Saumur a débuté par une conférence du pasteur Jean-Pierre Payot dans le temple. Bien que quelques lectures, quelques souvenirs, quelques recherches préliminaires nous aient préparés à cette découverte, nous avons pu comprendre un peu mieux les fondements et la réalité de la prestigieuse et terrible épopée vécue par cette Académie célèbre, dont le rayonnement spirituel et intellectuel s’est diffusé dans une grande partie de l’Europe. Malheureusement la triste fin de Saumur en 1685, et sa ruine, demeurent cuisantes à nos cœurs de Huguenots.

L’Académie

Le vent de la Réforme soufflait déjà en 1552 sur le Saumurois puisque, cette année-là, une Église protestante était déjà établie à Saumur, et le fils d’un chancelier de France, René Poyet y fut brûlé vif pour crime d’hérésie. Le duc de Guise se plaignait que Saumur était devenu un second Genève… Thédore de Bèze y donna des prédications en 1562.

Henri IV assista au culte en 1593, dans le temple qui venait d’être inauguré, situé dans la Grande Rue, en compagnie de Duplessis-Mornay, son ami d’enfance, fondateur de l’Académie et gouverneur de Saumur, qui fut pendant un tiers de siècle intimement lié à cette ville.
Dans cette période tumultueuse de l’histoire, en dépit de l’affrontement des concepts religieux une Académie protestante a vu le jour. L’étude et l’amélioration de la traduction de textes anciens à partir du latin, du grec, de l’hébreu, de l’araméen, du syriaque, par ces étudiants érudits ont constitué une partie de ce qu’est devenue la Bible.
De nombreuses imprimeries étaient implantées sur le territoire de Saumur et permettaient la diffusion des idées de la Réforme et des sciences.
   
Duplessis-Mornay © Domaine public

Les étudiants à Saumur venaient de toute la France, de Suisse, d’Allemagne, de l’Angleterre, de la Hollande, d’Espagne. Les professeurs arrivaient également de toute l’Europe ; à cette époque, tous les « savants » formaient une société supérieure animée de la seule passion de la science et ils avaient comme langue commune le latin que tous parlaient couramment.
Les études duraient cinq ans, années de philosophie, de physique, d’éloquence et de théologie (pour ne citer que celles-ci) et le cycle complet était de dix ans. Après ces années d’études, les étudiants devaient prendre part « à la dispute » et soutenir leur thèse (qui avait été imprimée), devant les professeurs, et les débats étaient parfois très vifs. Reconnus dignes, ils étaient coiffés d’un bonnet et d’une large ceinture et amenés à l’Académie.

Les étudiants

De 1568 à 1572, Duplessis-Mornay parcourut successivement l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre, la Hollande…, visitant les universités les plus célèbres, embrassant dans ses études les connaissances les plus variées. À partir de 1635 et jusque vers 1660, l’Académie de Saumur devint un haut lieu de la culture protestante, connue de toute l’Europe calviniste.
Son but principal était de former les jeunes gens, surtout les futurs ministres, à l’étude des lettres et de la théologie, afin de les préparer à toutes les difficultés de la carrière qu’ils allaient embrasser, et en particulier aux controverses : telle était la grande préoccupation du protestantisme de cette époque. Il disait : Je suis comptable envers Dieu de ces jeunes hommes.
Mais comment ces étudiants venaient-ils à Saumur et où vivaient-ils…? Certains, de la noblesse, venaient avec leurs chevaux et leurs domestiques. D’autres, les étudiants pauvres, qui pouvaient bénéficier d’une bourse, venaient à pied. Ils recevaient des secours des consistoires d’Églises et pouvaient loger chez l’habitant… Des fils de bourgeois venaient par le service des voitures publiques.
On peut les imaginer dans les rues de Saumur, peut-être à proximité de la maison du gouverneur, le soir ou les jours de repos, tels des joyeux drilles faire du charivari dans les rues, haranguer la foule, lancer des quolibets aux passants, s’apostropher en riant ou même, apprenant à danser, au grand dam de « l’Église et de l’Eschole ».
On sait comment cela s’est terminé. Oui, triste fin de l’Académie en 1685… Louis XIV signa la Révocation de l’édit de Nantes le 8 janvier 1685. Le 15 janvier, parut l’interdiction du culte réformé à Saumur et l’ordre de démolition, jusqu’à ses fondements, du temple de la Grande Rue. Les biens de l’Académie et du temple furent attribués à l’hôpital. Les professeurs reçurent la défense absolue d’enseigner aucune science sous peine d’amende, et ceux d’entre eux qui étaient pasteurs durent, s’ils n’acceptaient pas de devenir catholiques, quitter le pays sous quinze jours. La peine de mort fut édictée peu après contre ceux qui refusaient d’obéir… Il y eut les galères, les emprisonnements etc. Oui, triste fin…

Le château de Saumur © Élisabeth Renaud
Le temple de Saumur © Élisabeth Renaud

 

* Le mot Académie désignait alors un arsenal de connaissances mises sans « ares » à la disposition de tous.

En savoir plus

Quelques dates

- Philippe Duplessy-Mornay : 1549-1623 / Gouverneur de Saumur : 1589-1621/ Fondateur de l’Académie protestante en 1599 ou 1600.
- 1565 : Catherine de Médicis et son fils Charles IX passent à Fontevraud, tandis que le Prince de Condé, chef protestant, occupe Saumur.
- 1568 : Henri, duc d’Anjou, frère de Charles IX, s’oppose par la force au passage de la Loire pour 3 000 protestants. En effet, pendant les guerres de religion, Saumur fut convoité par les deux partis et connut les vicissitudes de la guerre. C’était un passage important sur la Loire, aux confins de la Touraine, du Poitou et de l’Anjou, et la possession de cette place revêtait une valeur stratégique.
- 1572 : St-Barthélémy.
- 1575 : Henri, roi de Navarre, menace Angers et veut obtenir de la part du roi Charles IX un point de passage pour ses troupes sur la Loire.
- 1576 : Saumur devient place de sûreté.
- Henri de Navarre rencontre le roi Henri III à Tours, et exige un passage sur la Loire. En échange il se convertira. Il est conseillé par son ami d’enfance Duplessis-Mornay. Le roi offre le Pont de Cé. Le gouverneur refuse. Plusieurs tractations s’ensuivent. Le passage des troupes est accepté moyennant rétribution.
- 1589, 19 avril : Henri de Navarre entre dans Saumur, première marche conduisant au trône
- 1589, 17 août : Duplessis-Mornay reçoit les clés de la ville de Saumur.
- 1593 : Henri IV assiste, en compagnie de Duplessy-Mornay, au culte du temple de la Grande Rue, qui vient d’être inauguré.
- 1685 : révocation de l’édit de Nantes. Interdiction d’enseignement par l’Académie, les propriétés protestantes sont remises aux catholiques, le temple est détruit jusqu’au fondement. Ruine de Saumur.

Édith Guinet

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