Protes'Temps-Bible

Revêtir la force

11 octobre 2017

De nombreux textes bibliques parlent du vêtement. Pour les sémites, l’habit était fortement symbolique. Mais, aujourd’hui, un bon nombre de lecteurs ne connaissent plus cette symbolique. Ils sont par contre fort bien au fait des enjeux et des significations multiples que revêt l’habillement. Et si c’était l’occasion d’éclairer différemment nos textes bibliques ?

Dès les premiers chapitres de la Genèse, il est question d’habits. Conscients de leur nudité, ou plutôt parce qu’ils en ont honte, Adam et Ève se font des « pagnes », dit Genèse 2,7. Ils se « cachent » ainsi l’un à l’autre, comme ils se cacheront en entendant Dieu (v. 8). La nudité est, dès le commencement, le symbole de la relation vraie, authentique. Une relation qui n’a rien à cacher. Ce n’est donc pas un hasard si, dans de nombreux textes, les hommes et les femmes déchirent leurs vêtements en signe de repentance. Ainsi en est-il, par exemple, de Josias en 2 Rois 22,8-13. À l’écoute du Livre de la Loi (sans doute le Deutéronome) redécouvert, Josias comprend les fautes de son peuple et, en signe de pénitence, de repentance, il déchire ses vêtements. C’est sans doute pour la même raison que Caïphe, le grand-prêtre du temps de Jésus, déchire les siens. Quand il entend les paroles scandaleuses, blasphématoires de Jésus, « Tu le dis [que je suis le Messie, le Fils de Dieu] », Caïphe ne peut s’empêcher de « déchirer ses vêtements » en signe de repentance. Ce geste est symbolique. L’important, comme le souligne Joël, est l’attitude du cœur : « Déchirez vos cœurs, et non pas vos vêtements ; et revenez à [moi] » (Joël 2,13).

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Le vêtement, c’est la personne

C’est la symbolique forte du vêtement dans la Bible. Le vêtement représente la personne. Ainsi, quand Élie est enlevé dans les cieux, Élisée, son disciple, attrape ses vêtements et les déchire. Ensuite, il ramasse le manteau d’Élie, tombé à terre et s’en revêt. Ce geste n’est pas anodin. En mettant sur ses épaules le manteau d’Élie, son disciple est revêtu de la force de l’Esprit qui habitait le maître. Les autres prophètes ne s’y trompent d’ailleurs pas. Unanimement, ils disent : « l’Esprit d’Élie repose sur Élisée » (2 Rois 2,15). C’est cette même symbolique qu’on retrouve, dans le Nouveau Testament, dans l’épisode de la guérison de la femme souffrant depuis 12 ans de perte de sang. Luc dit qu’elle s’approche par derrière de Jésus et touche « la frange de ses vêtements » (Luc 8,44). Ce geste suffit à la guérir car le vêtement, justement, c’est la personne ! En touchant le vêtement de Jésus, elle le touche lui et c’est Sa force qui la guérit. C’est cette même symbolique qu’on retrouve dans les lettres de Paul. En Galates, l’apôtre écrit : « vous êtes tous fils de Dieu, par la foi, dans le Christ Jésus. Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme » (Galates 3, 26-28). Et dans la Lettre aux Éphésiens, il appelait à « se dépouiller du vieil homme » pour « revêtir l’homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité » (Éphésiens 4,24). Si le croyant a revêtu Christ, il a aussi revêtu ce qui constitue sa personne : l’humilité, la joie, l’amour… Ce ne sont pas là que des « accessoires de mode ». Ils constituent pleinement la personnalité du Christ et donc du croyant. Ils sont déjà là, pleinement à vivre. Et le croyant peut s’appuyer sur l’Esprit pour les vivre pleinement chaque jour un peu plus.

« Le geste de la femme suffit à la guérir car le vêtement, justement, c’est la personne ! »

Le vêtement, c’est une existence

Aujourd’hui, cette symbolique biblique du vêtement n’est plus directement accessible. Pour l’homme occidental du 21e siècle, le vêtement c’est avant tout un statut : c’est l’appartenance à un clan. Le refus du port de la cravate par certains députés de la France insoumise en juillet dernier, lors de la première séance parlementaire, s’apparentait à cela. C’était un réflexe aussi clanique que l’adolescent « grunge » refusant de porter les chemises repassées des « premiers de la classe » … Mais au-delà de cette appartenance au clan, le vêtement, pour l’homme moderne, c’est un assemblage de tissus, un mélange de couleurs, un désordre de mots pouvant attirer l’œil sur soi. Le vêtement n’est pas seulement utile et fonctionnel : il revêt une importance existentielle. Je porte pour être. Je revêts des marques pour me démarquer : pour exister. C’est un sens qu’on pourrait qualifier de politique, au sens où le vêtement permet de trouver sa place dans la cité voire de la revendiquer. C’est ce que font par exemple les Femen en refusant de porter des vêtements par lesquels les hommes maintiennent sur les femmes une oppression constante. Katy Perry, a porté à son paroxysme ce sens politique le 4 juin dernier. Elle a alors revêtu une robe blanche habillée des visages des victimes de l’attentat de Manchester. Cette robe matérialisait le lien, manifestait cette volonté d’unir tous les hommes dans une prière collective.

Le vêtement, c’est une confiance

La fille de la styliste Sonia Rykiel, Nathalie, a été mannequin pour sa mère une grande partie de sa vie. Elle a porté les robes que cette artiste créait. Nathalie utilise des mots peu communs pour définir ce qu’est le vêtement pour elle : « Une robe, c’est une amie. Une amie dans laquelle je m’enrobe. Une robe, c’est ce qu’on met contre sa peau. Il faut qu’elle soit tendre, amicale, douce. (…) Il faut avant tout qu’elle soit protectrice. Il faut qu’elle me rende belle ». Et plus loin, elle ajoute : « La seule chose qui compte, c’est de repousser les peurs. Ce qui compte, c’est de vaincre ses peurs. C’est d’avancer et de marcher. » Ces paroles peuvent nous servir pour réinterpréter la symbolique du vêtement. Christ est notre vêtement car il est cette présence qui nous donne confiance. Il dissipe nos peurs en nous donnant d’espérer contre toute espérance. Christ est notre vêtement aussi car il nous fait beau, il nous rend beau. Luther disait : « ce n’est pas parce qu’il est beau que Dieu aime l’homme ; c’est parce qu’il est aimé de Dieu que l’homme est beau ». Oui, la grâce de Dieu, en Christ, est pour nous le plus beau des vêtements : par elle, nous pouvons nous sentir beaux, qui que nous soyons et quel que soit notre âge.

« Christ est notre vêtement car il est cette présence qui nous donne confiance. »

Le vêtement, c’est une force

La dernière symbolique dont nous pouvons nous inspirer pour notre discours sur le vêtement provient de la modernité. De nos jours, nos habits sont de plus en plus techniques. Et, dans un avenir proche, cette tendance risque de s’accentuer. D’ores et déjà, les robes peuvent changer de couleur à la demande, les T. Shirts sont capables de nous orienter dans les labyrinthes de nos villes… Il est difficile d’imaginer ce que l’avenir nous réserve. Mais quoi qu’il en soit, le vêtement sera pour nous une aide, une force. Cet avenir du vêtement permet des rapprochements avec la symbolique biblique. Le Christ, lui aussi, est un vêtement doué d’une force prodigieuse. Par la foi, nous la revêtons. Cette force nous transforme, nous métamorphose, comme dirait Paul, pour nous mettre toujours plus au service de notre monde et de notre prochain.

Christophe Jacon.

En savoir plus

Ecouter l'émission d'Augustin Trappenard, Boomerang, du 6/06/2017, sur France Inter.

Christophe Jacon.
Rédacteur en chef d'Ensemble.

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