Création

Récup’Art, une autre façon de voir

01 janvier 2020

La transformation de déchets n’est pas simplement un passe-temps pour gens qui n’ont rien de mieux à faire. C’est une école pour notre attention au monde : il y a des choses à voir. Le plaisir de créer est un moteur vivifiant là où les montagnes de déchets risquent de nous décourager.

Une petite fille, pas toujours très commode, est venue vers moi à la fin de « KT en vacances » et m’a dit : « Je te remercie. Nous n’avons pas seulement fait des animations, mais tu nous as permis de créer quelque chose ». Une des propositions de nos deux jours passés ensemble l’avait impressionnée. Nous n’avions pas simplement passé un bon temps. L’acte de création était devenu palpable.

Voir

Dans un premier temps, nous avions exploré le premier récit de la création dans la Genèse, au chapitre 1. Nous avions entendu des mots qui ponctuent l’action de Dieu : il dit, il sépare et il voit… que c’est bon. Nous avons souligné « voir que c’est bon » et traduit dans un acte créateur de notre côté.  
Un escargot sorti de nul part © Jean Veuille

Voir les choses est au centre d’une démarche qui est caractérisée et labellisée par « Récup’Art ». Initiée par le pasteur et artiste Ambroise Monod, elle ne part pas de matériaux dits nobles, mais du rebut, à partir des reliefs de la vie humaine. 
Quand je pense aux œuvres de Monod, il y en a une qui m’a fortement marquée : un envol d’oiseau dans le jardin intérieur d’un centre d’accueil à Paris. Au milieu de bâtiments impressionnants, des oiseaux partent en direction du ciel. Des oiseaux… on ne se trompe pas. Ils ont une place centrale dans l’œuvre de Monod. Mais là, quand on s’approche, on aperçoit l’écart entre la fonction initiale et ce qu’il dit à travers sa sculpture.
Là où les uns ne voient qu’un déchet encombrant, même pas bon pour un recyclage sérieux, l’artiste a vu une forme. Des poêles se muent en volatiles libres. Une forme du vivant, assemblée dans un ensemble qui parle.

Et créer

Les enfants du catéchisme en vacances avaient eu à leur disposition un tas de ferraille, des restes de plastiques, des bouchons, des fils, etc. et (très importants ) des personnes ressources. Manier un pistolet à colle, dérouler du fil de fer d’une longue bobine, souder avec un vrai poste de soudure…

Le joli chat de Rosalie © Jean Veuille
  Ainsi un jeune collégien n’a pas eu de difficulté à voir comme une branche était, déjà, un long poisson avec ses grands yeux sur le côté. Mais pour fixer les nageoires, couper dans des boîtes de conserve… un soutien lui était utile.
Et sous nos yeux, dans un rien de temps, un petit monde a peuplé la cour. Un guitariste joue sur un petit râteau de jardin ; un jeune fait du skate sur une planche ; un escargot s’érige à partir d’une bande bleue pour colis, un chat prend vie grâce à une boîte de conserve.


C’était gratifiant pour nous, adultes, de voir comment ces enfants et jeunes ont vu. Ont vu le vivant derrière des boîtes, des couvercles et des outils mis au rebut.

Et la même joie de créer s’est installée lors d’un petit atelier au cours du dernier Synode régional à Rennes. Écologie : quelle(s) conversion(s) ? nous a incité à chercher, à partir d’objets étonnants, ce que nous voyions. Ce n’était pas une animation pour des enfants et des jeunes. Est-ce que nous, adultes et raisonnables, nous voyions autre chose derrière un objet délaissé ? Un cintre de la blanchisserie : depuis quand nous regarde-t-il ? Une bouilloire : quelle belle bouille !
Et si vous vous y mettiez aussi, de temps en temps ?!
 
La bonne bouille de la bouilloire, atelier Récup’Art, Synode régional à Rennes © Élisabeth Renaud

 

Angelika Krause

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