Opinion

Pour une théologie qui pense le monde

01 avril 2017

Pour qu’une théologie ose dire penser le monde, il faut qu’elle ose penser une certaine complexité où les choses sont en tensions plutôt qu’en oppositions et en exclusions. En d’autres termes, il lui faut être protestante.

Penser Dieu aiderait à penser le monde, et peut-être même le monde à penser ? On voit immédiatement l’outrecuidance de la prétention ! Et pourtant, penser en théologien protestant n’est-ce pas tenter de penser notre rapport à la liberté, à l’égalité et à la fraternité : penser ce qui fonde l’universalité ? En ce sens, la théologie protestante pourrait bien participer à cet effort de penser qui nous rend humains.

Apprendre à vivre avec soi-même
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Fidélité aux textes biblique
Pour mériter la qualification de protestante, la théologie doit d’abord récuser tout fondamentalisme. Non comme une concession à la rationalité objective, mais par fidélité aux textes bibliques : ce que découvre le bibliste attentif c’est que le relatif participe du vrai. C’est ce que l’on appelle l’incarnation : Dieu accepte d’abandonner sa parole à la culture, à l’histoire. Jusqu’à s’y abîmer sur la croix. Relatif et vrai n’ont plus à être opposés !

Penser la complexité
Pour mériter la qualification de protestante, la théologie doit apprendre à penser le complexe. Or, s’il est une urgence contemporaine, c’est bien de survivre dans la complexité d’une réalité où tout est interdépendant et où la logique d’Aristote est à la fois requise et récusée : dans l’ordinateur quantique de demain, 1 et 0 seront vrais au même instant ! La modélisation trinitaire affronte depuis des millénaires cette complexité : dire la multiplicité de nos compréhensions de Dieu, sans Le réduire à un modèle. Dire la pluralité du vrai, sans faire du modèle une idole, urgent défi pour aujourd’hui.

Dire sans conquérir
Pour mériter la qualification de protestante, la théologie doit aussi articuler conviction et tolérance. L’histoire huguenote devrait rappeler sans cesse l’importance de chacune. Nous n’avons pas à taire ce qui nous anime, pas plus que nous n’avons à convertir l’autre. Car la foi n’est pas ma production, c’est le don d’un autre : seul Dieu peut l’inscrire dans mon cœur. Mais Il a choisi de m’atteindre grâce au témoignage des autres. De sorte qu’il me faut apprendre à dire la foi sans jamais chercher à conquérir l’autre.

Vivre avec soi-même
En un mot, la théologie doit penser le lien entre le singulier et l’universel, entre l’objectif et le subjectif. Le respect de la subjectivité de l’autre impose que je n’en fasse pas un objet de ma propre subjectivité. Et donc que je fasse droit à l’objectivité de sa parole... qui fonde en moi une subjectivité nouvelle : en théologie, ça s’appelle « le chemin de Damas » ! L’enjeu n’est rien de moins que d’apprendre à vivre dans le monde avec soi-même et avec l’autre, grâce à Dieu !

Didier FIÉVET
pasteur à Toulouse – directeur de TO7

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