Des prix « coup de projecteur »

Pour sortir les marginalisés de l’ombre

01 février 2019

Le Jury œcuménique de la BD a choisi de mettre en lumière des « marginaux » : Carolina et les résidents de la clinique psychiatrique de La Chesnaie.

Composé d’une dizaine de professionnels et d’amateurs, le Jury œcuménique de la BD d’Angoulême se réunit chaque année, fin décembre, pour distinguer, parmi les sorties de l’année, deux bandes dessinées, non religieuses, mais remarquables par les valeurs humaines qu’elles illustrent. Le jury remet son prix dans le cadre du festival chrétien de la bande dessinée, qui se déroule en parallèle du festival international d’Angoulême, du 24 au 27 janvier. Cette année, le prix est décerné à Sirlene Barbosa et Joao Pinheiro, aux éditions Presque lune, pour Carolina. Cette BD est la biographie d’une poétesse et écrivaine brésilienne à succès pour ses publications décrivant la vie dans une des plus miséreuses favelas de Sao Paulo : celle de Canindé (cf. Le dépotoir). Le choix graphique du noir et blanc se double de celui d’un trait noir et épais, au service d’un dessin réaliste. Ils sont comme exigés par la vie sombre de cette artiste qui disait : « L’art le plus difficile, c’est l’art de vivre » (p. 6). Elle sait de quoi elle parle puisque, dans sa vie de combats, elle a connu la misère, la faim, le dénigrement, les insultes (p. 91), le succès enfin, puis l’oubli. Mais, elle n’en avait cure puisque, pour elle, écrire était un idéal (p. 29). Une exigence d’incarnation ! (p. 32). La BD retrace la vie de Carolina et tire de l’oubli par là même ces millions de femmes et d’hommes qui vivent, encore aujourd’hui, dans la nécessité d’un espoir reposant sur la seule confiance en Dieu (p. 80).

Les membres du jury œcuménique de la BD © Christophe Jacon

Invisible

Le deuxième prix, la mention spéciale du Jury, fut attribué à La troisième population d’Aurélien Ducoudray et de Jeff Pourquié, aux éditions Futuropolis. Il s’agit d’un reportage à la clinique psychiatrique La Chesnaie (Loir-et-Cher), lieu de soin ouvert où résidents et soignants partagent les activités quotidiennes avec les visiteurs participants, autrement dit la troisième population. Cette communauté mutuellement consentie et ouverte produit quelques anecdotes cocasses, mais surtout souligne le fait que la maladie mentale n’est, la plupart du temps, pas visible. Le dessin fin, en noir et blanc et parfois en couleur, rend plus sensible ce reportage. Ces deux albums s’inscrivent dans le droit fil de la tradition humaniste du prix de Jury œcuménique de la BD d’Angoulême. D’autres oubliés figuraient dans la sélection de ce jury, notamment les tirailleurs sénégalais, abattus par l’armée française, dans Morts par la France de Pat Perna et Nicolas Otéro, aux éditions les Arènes.

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Coup de cœur !

Sous les bouclettes de Gudule-Mélaka. Dans cette BD bouleversante, les derniers jours de Gudule, la célèbre dessinatrice de Charlie-Hebdo, sont racontés par Mélaka (Mélanie), sa fille. Atteinte d’un cancer, elle voit, impuissante, sa mère diminuer, se replier, jusqu’à s’éteindre sous les coups de boutoir de la maladie. Cela ne l’empêche pas de combattre, ne serait-ce que pour tenir debout, et pour que sa mère se sente la force de résister. L’aujourd’hui de la narratrice s’entremêle de souvenirs plus ou moins lointains qui permettent au lecteur de construire le portrait d’une femme révoltée et attachante.

Sur le site des éditions Delcourt :
https://www.editions-delcourt.fr/serie/sous-les-bouclettes.html

Nadia Savin et Christophe Jacon
membres du jury œcuménique de la BD

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