1517-2017

Luther au-delà de Luther

01 novembre 2017

L’année 2017, choisie comme année jubilaire du 500e anniversaire de la Réforme, a mis au centre des célébrations le geste de Luther affichant ses 95 thèses sur la porte de l’église du château de Wittenberg, ainsi que le personnage du Réformateur lui-même. Sans avoir été une commémoration du Réformateur, 2017 a souvent replacé Luther au centre des festivités.

 

 

Alors que l’année de commémorations et de fêtes touche à sa fin, 2017 peut être l’occasion de redécouvrir Luther au-delà de Luther. 2017 a pris, comme élément fondateur du mouvement de la Réforme, l’affichage de ses 95 thèses sur la porte de l’église du château de Wittenberg, et il en est ainsi depuis le premier jubilé en 1617. Pourtant, aujourd’hui, de nombreux historiens remettent en cause cet affichage même, ignorant si le Réformateur a effectivement placardé ces thèses ou non. Le premier à avoir mentionné cet affichage est Philippe Mélanchthon dans sa Vie de Luther, dont la première version était l’éloge funèbre que l’ami et collaborateur avait prononcé en 1546 lors des funérailles de « frère Martin » et qui s’était vu complété pour une première édition en 1548. C’est pourtant bien cet affichage qui a donné lieu à la pléiade de manifestations mémorielles dans les Églises protestantes de France, souvent illustrées dans leur communication par l’une ou l’autre peinture ou dessin montrant Luther clouant ses thèses sur la porte de Wittenberg…

La figurine Luther, la plus vendue de l’histoire de Playmobil © DR

Luther, un enjeu mémoriel

Dès 1545, un an avant sa mort, la figure de Luther était déjà un enjeu dans la construction de la mémoire religieuse européenne. Dans un pamphlet catholique antiluthérien, sa mort était annoncée, soulignant combien elle avait été ignominieuse : Luther aurait demandé à être transporté sur l’autel au moment de son trépas en lieu et place de l’eucharistie, pour être adoré lui-même. Heureusement, la véritable hostie se serait élevée au-dessus de l’autel. Puis, le lendemain, le tombeau de Luther, trouvé vide aurait dégagé une odeur pestilentielle…

Luther devant la Schlosskirche, une véritable icône cinématographique © DR

La mémoire de Luther a été, dès sa mort, un objet de polémiques et d’affrontements par les images et par les mots. Luther fut le personnage de sa génération le plus souvent représenté par l’image, et ce de son vivant même, en particulier à partir des nombreux portraits peints par Lucas Cranach et son atelier, mais aussi dans de nombreuses caricatures voulant souligner l’hérésie absolue qu’il représentait.

Les portes de la Schlosskirche © DR

Trois Vies de Luther

Dans son ouvrage, Mythologies luthériennes. Les Vies de Luther par lui-même, Mélanchthon et Taillepied, Marion Deschamps replace bien cet enjeu mémoriel en perspective à travers trois récits de la vie de Luther parmi les plus anciens. Le premier est écrit par Luther lui-même, en une dizaine de feuillets et constitua la préface à la première édition du tome 1 des ses œuvres complètes. Le deuxième est la Vie de Luther par Mélanchthon déjà cité. Le troisième a été écrit par un polémiste franciscain en 1577 à partir de récits antérieurs en allemand, Noël Taillepied. Dans les différences de ton, de style, mais aussi d’anecdotes rapportées par les uns et les autres, on perçoit bien les enjeux politiques et religieux qui se nichaient derrière.

Le marteau, symbole des manifestations allemandes en 2017 © 3xhammer.de

Un court article, malheureusement publié seulement en allemand pour l’instant, sur le site des manifestations officielles allemandes à l’occasion de ce jubilé, fait le même travail de décryptage autour de l’image si consensuelle aujourd’hui de Luther brandissant un marteau pour clouer ses thèses sur la porte de la Schlosskirche. Une image née dans le climat de polémique anticatholique du début du XVIIIe siècle et reprenant les canons de la représentation du pape ouvrant la porte de la Miséricorde à Saint-Pierre…

En savoir plus

Mythologies luthériennes. Les Vies de Luther par lui-même, Mélanchthon et Taillepied, textes établis et présentés par Marion Deschamps, Presses universitaires de Lyon, 2017, 204 p., 20 €.

– article Wie Luther zu seinem Hammer kamm (en allemand seulement), sur le site www.luther2017.de

Gérald MACHABERT
journal Réveil

Commentaires