Les enjeux des jeux

01 mars 2017

Les jeux diffèrent en fonction des âges et de ce que les personnes y cherchent, selon leurs intérêts conscients ou inconscients. Rémi Arbeau, directeur de la « Cabane à jeux » à Paris, nous aide à y voir plus clair.

Ensemble : Quelles sont les différentes sortes de jeu ?
Rémi Arbeau : Les ludothèques ont l’habitude de proposer des jeux différents, selon l’évolution de l’enfant. La classification traditionnelle distingue :
- Les jeux d’exercices : hochet, encastrements ;
- Les jeux symboliques où il s’agit de faire semblant. Les enfants se racontent des histoires. Ils jouent au « papa » ou à la « maman » avec un poupon. Cela développe leur imaginaire, favorise leur socialisation (la rencontre de l’autre), et accroît leur compréhension du monde qui les entoure. Dans cette catégorie, une sous-branche est constituée par les jeux de figurines (Lego, Playmobil…). L’enfant écrit l’histoire mais ne se met pas en scène. Il donne des rôles à ses personnages mais ne s’identifie pas à l’un d’eux comme c’est le cas lorsqu’il joue à « papa » / « maman ».
- Les jeux d’assemblage ; cette catégorie commence très tôt et termine très tard puisqu’elle débute avec les Legos, les Kaplas et va jusqu’au modélisme et à l’architecture. Dans ces jeux, il n’y a pas de logique de compétition. La création peut se faire avec d’autres. Cela favorise donc la socialisation.
- Enfin, les jeux de règles : ce sont les jeux de sociétés. Actuellement, en France, ils sont en plein essor. Certes, les Allemands ont toujours une avance sur nous. Mais les jeux français ont une bonne cote sur le marché du jeu. Quatre catégories sont à mentionner :
- les jeux de stratégie où on s’affronte :
- les jeux où on reproduit une histoire (le joueur est très impliqué, entre dans le scénario comme dans La vallée des Mammouths) ;
- les jeux de gestion tels Ginkgo polis ou les Colons de Catane. Il s’agit de gérer une ville, un zoo ;
- les jeux d’ambiance, dont l’objectif est de jouer ensemble. Le jeu type est Times up. Qu’importe qui perd ou qui gagne.

Qu’est-ce qui motive les joueurs ?
R.A. : Dans la ludothèque, chaque joueur choisit le jeu qui lui convient, selon son humeur, selon son intérêt. Le jeu est un lieu où les émotions peuvent s’exprimer, où la confiance peut être renforcée, où la réalité peut être mise à distance. Il est possible de se confronter à l’autre sans risque, d’assumer sa violence intérieure sans conséquence. C’est une catharsis. C’est sans doute ce qui attire les joueurs. Et, plus fondamentalement encore, le jeu est une vraie rencontre de l’autre. Étant donné qu’on a les mêmes règles, on est sur un plan d’égalité.

À bien vous écouter, le jeu purement gratuit n’existerait pas ?
R.A. : D’une certaine façon peut-être. Mais la personne qui joue n’est pas forcément consciente de tous les avantages que le jeu va lui procurer. En outre, si on explique les raisons éducatives pour lesquelles on va jouer, le joueur y entre comme dans un exercice scolaire qui perd son côté ludique. Actuellement, on assiste à une « ludification ». Le jeu devient prétexte d’apprentissage partout : dans les entreprises, les écoles…. Ma conviction est que le jeu doit rester un plaisir. Certes, il y a de l’apport, de l’intérêt mais le joueur n’en est pas forcément conscient ou cela reste de l’ordre de l’inconscient.

Se confronter à l'autre sans risque
© Rémi Arbeau / La cabane à jeux

 

Christophe JACON
journal Ensemble

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