Lille-Fives

Les belles semailles du pasteur Nick

01 octobre 2018

Henri Nick : un nom définitivement lié à Fives, quartier déshérité de Lille au début du XXe siècle. Porté par les intuitions du Christianisme social, le pasteur soulève les montagnes et annonce la Bonne nouvelle aux plus pauvres...

En juillet 1897, appelé comme pasteur auxiliaire par Aquilas Quiévreux (pasteur de l’Église Réformée de Lille), sollicité par son ami Élie Gounelle (Roubaix) et soutenu par la Mission Populaire Évangélique, Henri Nick arrive avec son épouse Hélène et Paul, leur premier enfant. Le couple s’installe à Lille-Fives puisque c’est dans ce quartier ouvrier de Lille, délaissé, séparé de la ville par des fortifications et des voies ferrées, qu’il a été appelé pour annoncer l’Évangile parmi les ouvriers. Il débute dans la salle arrière d’un estaminet.

Le pasteur Nick se fait très vite connaître en rendant visite aux familles et en s’attirant la sympathie des habitants par les qualités d’écoute dont il fait preuve. 40 à 80 adultes assistent aux réunions, 150 enfants aux écoles populaires, 20 fillettes à l’ouvroir (lieu de petits travaux).

Colportage dans la rue principale de Fives (© SHPF)

 

Une action d'ampleur

En 1899, du café il passe à une vraie salle : La Bonne Nouvelle, installée dans un grenier à blé. L’auditoire s’agrandit : 26 catéchumènes, 200 personnes à la fête de Noël. En 1901, ce sera la création du « Foyer du Peuple », toujours présent dans la rue principale de Fives.

Avec l’aide de Charles Vallée (professeur de mathématiques) qui sera son bras droit, il développe une section de Croix Bleue, car l’alcoolisme est fortement ancré dans ce quartier. Très vite, cette action va être connue de tous (défilés, cortèges, fanfare). Les changements de vie et de conditions pour ceux qui fréquentent cette section se remarquent. L’Espoir (abstinence pour les enfants) prendra également son essor.

Dans le développement de son action, Henri Nick sera aidé par des évangélistes, des colporteurs et des lectrices bibliques, des infirmières suisses, des étudiants en théologie, de jeunes pasteurs, des professeurs… Encore des chiffres : 60 fillettes participent à l’ouvroir, 200 enfants aux Écoles du dimanche et du jeudi… La salle du Foyer (900 places) sert à des conférences pour former les ouvriers ; elle est également prêtée à des syndicats. La Croix Bleue se développe : 200 à 300 personnes assistent aux fêtes de la tempérance, le colportage s’organise dans les courées. 80 garçons sont inscrits à l’UCJG et 60 filles à l’UCJF.

L'année 1908 voit la création d’une première colonie de vacances - d’autres suivront. Beaucoup d’enfants y seront envoyés par les mairies de Lille et Hellemmes.

Une réunion du lundi dans la salle du Foyer du Peuple (© SHPF)

 

Le parti des ouvriers

Henri Nick se lie d’amitié avec Joseph Hentgès (maire d’Hellemmes), Roger Salengro (maire de Lille) et Henri Ghesquières (député qui le soutiendra dans la lutte contre l’alcoolisme).

En 1910, c’est le début d’une troupe d’éclaireurs qui va vite grossir, grâce aux défilés dans les rues. Puis les créations s’enchaînent : études bibliques, groupes d’hommes, groupes de femmes, coopératives, bibliothèque, troupe d’éclaireuses, meute de louveteaux, dispensaire, visites prénatales, salle de gymnastique pour les jeunes, etc. En même temps, toutes les autres activités existantes continuent à fonctionner et à se développer.

En 1936, avec les congés payés, l’organisation de Vacances pour tous dans deux hôtels, à Sainte-Cécile (62), accueillera plus de 500 personnes l’été.

Henri Nick, qui s’est engagé comme aumônier militaire en 1914, fera la connaissance et se liera d’amitié avec le futur cardinal Achille Liénart. Avec lui il défendra les ouvriers contre les patrons lors des grèves du textile en 1929. En 1942, il est fortement impliqué dans le réseau d’aide aux Juifs et sera reconnu Juste parmi les nations en 1992.

À sa mort, en mars 1954, toutes les maisons de Fives et des alentours connaissent Monsieur Nick ou le Père Nick et le Foyer du Peuple, la salle ou l’œuvre.

 

En savoir plus

La volonté d'agir

« Nous ne voulons plus assister à ce spectacle lamentable d'âmes d'ailleurs bien disposées, qui s'éloignent du christianisme et se perdent, parce qu'elles se lassent d'attendre un salut qui n'arrive jamais. Elles se morfondent en prières, alors qu'elles n'ont qu'à agir […] La volonté humaine peut beaucoup, beaucoup plus que nous le soupçonnons et que notre paresse ne se l'avoue. »

Extrait de la thèse d’Henri Nick : Notion de la metanoia d'après le Nouveau Testament et l'expérience chrétienne, citée dans Revivalism and Social Christianity, de Christophe Chalamet, Pickwick Publications, Oregon.

Jacky MOSSE,
auteur de "Du Foyer du Peuple à l'Église protestante unie"

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