Edito

Le temps de la vie

05 novembre 2018

Le thème du dossier d’Ensemble de ce mois est le veuvage. Une situation à laquelle nous avons été confrontés, que ce soit dans notre entourage, ou à titre personnel.

Une situation de rupture, qui est brutale, quelle que soit la manière dont le compagnon ou la compagne est décédée. C’est toujours une partie de soi-même qui semble alors partir avec la personne dont on a partagé les joies et les peines, les difficultés et les réussites. Qu’on ne me fasse pas dire que la vie du couple est un long fleuve tranquille ! Il peut y avoir des incompréhensions, des doutes, des divergences, mais aussi le doux ronronnement des habitudes…Quoiqu’il en soit, cette rupture est un événement personnel, et il est toujours difficile de se mettre à la place de celui ou de celle qui vit cette expérience, d’appréhender ce qu’il ou elle ressent. Peut-être, et je n’en doute pas, y a-t-il des recettes pour accompagner le deuil qu’elles soient d’ordre pastoral, psychologique ou social.

Faut-il uniquement survivre à cette séparation, ou tout simplement vivre ? Peut-être est-ce déplacé dans un éditorial d’évoquer sa propre expérience. Mais c’est une belle leçon de vie que j’ai reçue de celle qui fut ma compagne plusieurs dizaines d’années par ce commentaire retrouvé dans ses papiers et qu’elle a fait pour l’introduction spirituelle d’un conseil presbytéral sur un passage de Luc : « Laisse les morts enterrer leurs morts et toi, va annoncer le royaume de Dieu. […] Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu » (Luc 9,62). Comme l’écrivait très justement notre ami Didier Fiévet : « Le culte des morts ne fait pas vivre », non pas que l’on puisse effacer la douleur d’une séparation, mais il y a le temps des larmes, puis celui de la vie. Car c’est bien cela que j’ai retenu de cette image du sillon tracé, ce sillon qui est ce que m’a laissé celle dont j’ai partagé la vie : elle est présente par cet héritage, et en même temps, elle m’apprend à vivre après cette rupture ; le passé est le passé. Le « Souviens-toi » du sillon n’est pas une invitation à la nostalgie (quand bien même il est parfois difficile d’y échapper) mais au contraire un appel à vivre plutôt qu’à survivre.

En savoir plus

I. et D. Fiévet, Un laissez-passer pour la vie, Lyon, Olivétan, 2010, 96p.

Bernard Tournier.
Membre du Comité de Rédaction d'Ensemble.

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