Humanité

Le pape et les migrants

14 janvier 2017

Le pape a eu une parole qui a largement interpellé l’opinion publique lorsqu’il est revenu de l’Île de Lesbos avec une famille de réfugiés. Mais n’était-il pas dans son rôle d’interpellation au nom de l’Évangile ?

 

Les étrangers font peur, car on a souvent peur de ce qu’on ne connaît pas. À partir de ses travaux d’ethnologie, Claude Lévi-Strauss rappelle que « pour de vastes fractions de l’espèce humaine et pendant des dizaines de millénaires… l’humanité cesse aux frontières de la tribu, du groupe linguistique, parfois même du village. » Ce qui est naturel, c’est de privilégier les proches par rapport aux lointains.

Le pape François lors de sa visite

sur l'île de Lesbos

(c) DR

Nous élever par rapport à nos peurs

Le rôle des autorités, morales et politiques, est de nous élever par rapport à nos sentiments premiers ; de nous rappeler que ce que nous possédons ne relève pas du dû, mais du don ; de nous exhorter à la générosité ; de nous appeler à l’hospitalité.

Dans ce registre, le pape est dans son rôle lorsque son premier déplacement hors de Rome a été à Lampedusa. Lampedusa, ses plages de sable fin et son centre de rétention, ses touristes repus et ses réfugiés affamés, ses estivants avides de soleil et ses migrants en quête d’une vie tout simplement possible. Le pape est encore dans son rôle lorsqu’il fait un voyage dans l’île de Lesbos et qu’il ramène dans son avion une famille de réfugiés. Des réfugiés musulmans pour montrer qu’il n’agit pas comme le défenseur d’une religion, mais au nom d’un principe universel qui est celui de l’accueil de tout homme, quel qu’il soit.

 

Interpeller l’Europe effrayée

Le pape enfin n’a cessé de rappeler que l’accueil n’est pas qu’un devoir, qu’il peut aussi être une chance : « Combien d’invasions l’Europe a connues ! Et elle a toujours su se dépasser elle-même, aller de l’avant pour se trouver ensuite comme agrandie par l’échange entre les cultures. » Une façon de nous dire de ne pas craindre l’étranger.

Devant la question des réfugiés, le pape n’a pas fui, il n’a pas détourné les yeux. Dans l’évangile de Jean, la première fois que Jésus s’est rendu à Jérusalem, il a expulsé les marchands du temple. La deuxième fois, il est allé au bassin de Bethesda, lieu où étaient entreposés tous les infirmes, les aveugles, les boiteux et les impotents de la ville sainte (Jean 5.1-5). C’est là, dans cette cour des miracles, que se situe le vrai temple, le lieu où Dieu se trouve.

Il nous rappelle qu’une société peut se juger par ses succès, ses constructions et ses réussites, mais aussi… par ses poubelles, par ce qu’elle rejette. Le verset du Premier Testament le plus souvent cité dans le Nouveau est celui qui dit : » La pierre que les maçons ont rejetée, est devenue la pierre angulaire. » (Psaume 118.22). Devant Jésus-Christ, la vérité de notre société se joue plus à Lampedusa que dans les usines d’Airbus et les bureaux climatisés des établissements financiers !

Prophète le pape ? Par ses paroles et ses gestes, il nous rappelle quelques vérités essentielles et qui nous nourrissent.

 

 

Antoine NOUIS
conseiller théologique du journal Réforme

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