Cinéma/DVD

La traque de l'hérésie

01 janvier 2020

 

Menocchio, un film d’Alberto Fasulo. 2019, 1h43. Sortie DVD novembre 2019.

 

Lent, austère… ce sont les qualificatifs qui ont accompagné la sortie de ce film. Mais ils ne doivent pas dissuader de découvrir cette œuvre aux tableaux sombres, éclairés par les bougies et les torches, rarement par la lumière du jour. Où est le jour, d’ailleurs, lorsque se met en marche la volonté à la fois politique et religieuse de traquer les tenants d’affirmations « hérétiques » ? La lumière vive du simple village des montagnes du Frioul est vite oubliée lorsqu’il faut répondre à des interrogatoires fastidieux, répétitifs, binaires… Chacun fait alors ce qu’il peut avec la vérité, la vérité de ses propres croyances, celle de ses relations familiales et amicales… Faut-il répondre avec sincérité ? Sauver les siens ? Faut-il abjurer ? À quoi sert de s’obstiner ? Le champ éclairé est restreint, l’obscurité envahit et gagne.

Menocchio, le meunier rebelle, porte sur ses épaules fatiguées le fil de l’histoire, une histoire qu’on situe à la fin du XVIe siècle, qui rappelle bien des épisodes des pages cathare, vaudoise, protestante… mais sans qu’on y retrouve tous ses repères. À aucun moment, par exemple, il n’est fait référence aux Écritures. Menocchio a-t-il été influencé par les courants protestants ? Il vitupère contre la superstition et la richesse de l’Église, et fait penser en cela à un pauvre de Lyon. On ne saura pas si cette espèce de libre penseur, qui sait lire, s’est formé seul ou s’il veut protéger ses sources. On se prend au jeu de la ténacité du vieux lion, magnifique et de plus en plus crasseux. Les silences révèlent aussi de belles complicités humaines. Naïveté scolaire des clercs contre franchise des paysans, prêtres passés clandestinement aux idées nouvelles, rêves où les masques animaux rejouent la folie de ces conflits… Menocchio, au centre du jeu, paiera cher et récidivera, jusqu’à en mourir.

De belles images, des figures vraies, une présence musicale originale pour soutenir une atmosphère de suspicion et de surveillance… C’est ancien, mais c’est aussi d’aujourd’hui.

 

 

Séverine Daudé

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