Histoire

L’histoire du christianisme à Madagascar*

01 octobre 2018

La première évangélisation de l’île est due à des missionnaires protestants gallois, David Jones et Thomas Bevan en 1818. Ils furent envoyés par la London missionary society, au temps du règne de Radama Ier à Madagascar. Profitant du bon accueil reçu de celui-ci, ils sont passés à l’entreprise d’une traduction de la Bible, avant même d’avoir terminé d’établir la grammaire malgache et le dictionnaire.

 

Jadis, les Malgaches croyaient à l’existence d’un Dieu unique, créateur de l’univers, Zanahary (qui a eu la puissance de créer), ainsi qu’à tout un monde d’esprits puissants, intermédiaires entre ce Dieu et les hommes. Ceux-ci personnifiaient les forces mystérieuses du monde et les hommes ne doutaient pas que leurs razana (les mânes de leurs ancêtres) s’intéressaient à leur vie. Il n’y avait ni temples, ni idoles, ni même de chefs spirituels. Les cérémonies se réduisaient à un dépôt d’offrandes destinées aux ancêtres en les priant d’intercéder en faveur de leurs parents vivants. Aujourd’hui certains Malgaches pratiquent encore cette religion.

Une période sombre

L’écriture de la langue malgache en caractères arabes, alors pratiquée par les lettrés du Sud-Est de l’île, fut abandonnée au profit de celle en alphabet latin. Le but était de mettre le message du Salut entre les mains des Malgaches le plus rapidement possible.
D’où une scolarisation accélérée de ceux-ci. En 1820 fut créée la première école. Huit ans plus tard, on en comptait déjà 37, avec 44 maîtres et 2 309 élèves. Le roi Radama Ier y porta grand intérêt, inspectant parfois les principales écoles. La traduction en malgache du Nouveau Testament fut terminée en 1824, et celle de l’Ancien en 1827. La même année sortait le 1er recueil de cantiques malgaches sur des musiques galloises en utilisant des notations anglo-saxonnes.

Mais le roi Radama Ier meurt en 1828. Sa femme Ranavalona Ière qui lui succéda, prenant ombrage de l’influence étrangère, interdit le christianisme en 1835, et des Malgaches convertis subirent même le martyre.

C’est donc dans la clandestinité et malgré l’exil des missionnaires que se poursuivirent les conversions. Alors même que la lecture des Écritures et la prière étaient interdites sous peine de condamnation à mort ou à l’esclavage, d’autres missionnaires catholiques français formèrent des jeunes malgaches destinés à évangéliser certaines régions de l’île. Tentatives appuyées par l’envoi de quakers, d’anglicans et de luthériens norvégiens.

Un retour au christianisme

En 1861, le roi Radama II succède à la reine Ranavalona Ière. Il mène une politique d’ouverture et de retour au christianisme. Mais est assassiné en 1863. La reine Ranavalona II lui succède. À cette époque, c’est dans les hauts plateaux que les conversions sont les plus nombreuses. Même pendant les deux guerres franco-malgaches (1883-1885 et 1894-1895) en l’absence de missionnaires et de prêtres, des laïcs malgaches s’y organisent pour entretenir la foi des fidèles. L’année 1880 a été marquée par le retour des missionnaires.
Au XXe siècle, le christianisme, qui se diffuse dans le pays, ne revêt pas seulement une forme religieuse, il implante l’enseignement et l’éducation à l’occidentale. À une époque où le pouvoir n’était pas encore en mesure d’organiser la formation des jeunes, ce sont les missions chrétiennes et en premier lieu, la LMS (London missionary society) et la FFMA (Friend’s foreign mission association), qui assuraient l’enseignement, dans les écoles.
 
Portrait de Radama II par Wattinghouse© Robert Lisan

Même si l’école laïque de la IIIe République française commence à se répandre à Madagascar avec le régime colonial (1896-1960), force est de constater qu’au moins jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’essentiel de la scolarisation des jeunes Malgaches continue à être assuré par des établissements confessionnels et cela, malgré l’anticléricalisme et les critiques essuyées par les missions chrétiennes, notamment sous le Gouverneur général Victor Augagneur dans les années 1900. 

L’école d’Ambatolampy - Société des missions évangéliques de Paris (1822-1971) © Robert Lisan
  Les trois missions protestantes, la LMS, la FFMA, auxquelles s’ajoute, en 1897, la Mission protestante française, implantent leurs écoles du premier degré comme leurs garderies aussi bien dans les villes que dans maints villages des campagnes. 
Quant à l’enseignement supérieur de l’époque, du moins celui qui formait pasteurs, enseignants, etc., ou qui préparait les jeunes Malgaches aux différents concours des écoles publiques, il était concentré en majeure partie dans la capitale.

L’école Paul Minault, gérée d’abord par la LMS puis par la Conférence inter-missionnaire, a constitué pendant longtemps une pépinière pour l’élite intellectuelle malgache et pour le personnel politique nationaliste notamment.

Un sentiment national

Pendant la période coloniale (1896-1960), le catholicisme se développe rapidement, surtout sur les hautes terres centrales. Les relations avec le pouvoir sont ambigües : si nombre d’administrateurs coloniaux combattent l’Église au nom de la laïcité, le catholicisme passe pour plus compatible avec l’influence française, à l’inverse du protestantisme, anglo-saxon. Mais par rapport à ce conteste colonial, le jeune clergé autochtone, pasteurs et prêtres confondus, éveille le sentiment national. Si bien que lors des événements majeurs de l’insurrection de 1947, les Églises chrétiennes ont manifesté leur présence parmi les insurgés, pour atténuer la rigueur de la répression.
Sous la première république malgache (1960-1972), l’État et les Églises jouissent de leur autonomie dans leurs domaines respectifs. La laïcité s’articule dans ce sens sur la neutralité du pouvoir public à l’égard de toutes les religions. Le 18 août 1968, l’unification des trois Églises marque la naissance de la FJKM (l’Église de Jésus-Christ à Madagascar).
Le 28 mars 1969, Monseigneur Jérôme Rakotomalala est nommé premier cardinal malgache par le pape Paul VI.
Même si Madagascar a été sous un régime socialiste marxiste (1975-1991), le christianisme n’a pas été victime de persécution générale. Cependant, les rapports entre les Églises et l’État se sont tendus, le régime ayant considéré le FFKM (Conseil des Églises chrétiennes de Madagascar) comme un adversaire politique. Créé le 20 janvier 1980 et regroupant l’Église catholique romaine, l’Église épiscopale de Madagascar anglicane, l’Église luthérienne malgache, et l’Église de Jésus-Christ à Madagascar réformée, ce Conseil n’a pas hésité à intervenir dans le domaine politique. Le FFKM s’illustre aussi dans la fonction d’arbitrage pour le règlement des crises politiques.
Aujourd’hui, le christianisme est très vivant sur l’île et très diversifié, huit Malgaches sur dix sont chrétiens, toutes confessions confondues.

*D’après une conférence donnée au temple de Bourges par Claude Raharijaona, en mars 2018

Annick Joigny et Christian Andriamiarisoa

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