Bible

L’autorité selon Paul

01 avril 2017

Certains textes de l’apôtre Paul sont un véritable éclairage de l’implication théologique dans la sphère politique.

La réflexion politique la plus importante dans la Bible se trouve chez Paul. Pour lui, l’autorité politique n’est pas une puissance se donnant ses propres règles, mais elle s’exerce toujours au service de quelque chose. Ce quelque chose varie et détermine la forme que prennent l’autorité et l’exercice du pouvoir : une ambition, des peurs, une idée de vérité et de justice, le bien d’un peuple ou de toute l’humanité.

Une pensée critique
On a cru devoir dénoncer le conformisme de l’Épître aux Romains. En effet, Paul y prescrit de se soumettre aux autorités. L’ordre politique, explique-t-il, se trouve institué par le Créateur au service de la Providence — et donc de l’humanité (Romains 13.1-7). À y regarder de près, on y discerne cependant une pensée critique. Une autorité légitime ne saurait être fondée, comme servante, que sur un au-delà d’elle-même. Paul ne décrit pas, mais propose une définition qui donne sens. Il pointe donc cette question critique : au service de qui, concrètement, l’autorité politique exerce-t-elle son pouvoir ?

Paul ne défend pas une politique conservatrice, mais affirme le caractère de don providentiel d’une instance politique au service de l’organisation de la vie commune, dans la cité et dans l’État. Son argumentation ne s’oppose pas au changement, aux révolutions ou aux réformes, mais à l’anarchie. L’existence d’une instance publique comme lieu de gouvernance et de débat possible est préférable au libre exercice du pouvoir des plus forts. Dès lors, comment résister politiquement à l’emprise anarchiste du « moins d’État » ?

La pourpre que Le Greco accorde à Paul
le situe du côté du pouvoir terrestre
©wikimedia

Une reconnaissance réciproque
Enfin, l’image du corps social développée par Paul (1 Corinthiens 12 et Romains 12), qui a fourni le fondement de la tradition démocratique occidentale, pose comme principes que chaque être humain est reconnu comme personne indépendamment de ses qualités et que le corps social est fondé sur l’universalité d’une reconnaissance réciproque.

D’un point de vue politique, cela veut dire que tous les membres du corps sont indispensables à son bon fonctionnement. Fonctionnement qui présuppose le respect mutuel de tous les membres, étant entendu que la diversité est nécessaire. Ces membres ont tous les mêmes responsabilités et les mêmes droits, même si l’universalité de la reconnaissance universelle requiert une attention particulière aux membres les moins considérés.

Dans quelle mesure une démocratie qui reconnaît chacun(e) comme citoyen(ne) également responsable de la cité (Paul, Rousseau) résiste-t-elle aux sélections des systèmes électoraux et permet-elle l’éligibilité et la participation active de chacun(e) ? Comment s’immunise-t-elle contre son instrumentalisation par les partis et son parasitage par les intérêts propres des médias ? Ne devrait-elle pas revaloriser le système athénien et néotestamentaire du tirage au sort ?

François VOUGA
professeur de Nouveau Testament à Wuppertal

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