Plaisirs de la vie

L'austérité réformée

01 mars 2017

Ayant évacué les soucis de l’après-mort avec la Réforme, les protestants peuvent se consacrer à la vie. Mais attention ! Elle doit être conforme à l'interprétation de la Bible qui donnerait les règles de base de l'ordre moral. Le modèle calviniste n’est-il pas encore présent dans notre société ?

Dès les premiers synodes, vers 1560, la discipline se met en place. Tout est régi par ce code interne dont le quatorzième et dernier chapitre a pour titre « Des règlements ou avertissements particuliers ». Vaste programme : 32 articles règlent au millimètre le comportement du fidèle vertueux, et dressent la liste immense des interdictions et punitions. Notons que si le blasphème ou l’éducation des enfants ne sont traités que dans un ou deux articles, les jeux, la danse et autres amusements se répartissent dix articles. La discipline a imprégné le comportement de certains religionnaires à un tel degré que l’austérité est devenu un symbole de reconnaissance des réformés français encore aujourd’hui.

Antichambre du vice
Un lieu, la taverne ; une tentation, le sexe. Tout est là ! Les prédicateurs admonestent les tavernes, lieux de perdition où l'on danse, joue et pire, où l'on blasphème. Ils demandent aux hommes de fuir ces endroits pour retourner manger et boire avec leur famille. La danse est particulièrement visée. Jeanne d’Albret la décrit ainsi dans ses ordonnances de 1571 : « Les danses sont pleines de chansons impudiques, de contenances et de gestes lascifs, l’appât et l’hameçon de volupté et débordement, l’argument est le témoignage d’inconstance et légèreté indignes du chrétien ». La discipline ecclésiastique des Églises réformées de France est étonnement sévère. Avoir assisté ou participé à des danses entraîne l’excommunication. Comme le souligne l’historienne Jeanine Garrisson, au XVIe siècle tout est prétexte à danser, de la plus haute classe sociale à la plus populaire. Et pourtant, c’est la quatrième cause de condamnation après les injures, le sexe et les jeux.

Les jeus d'argent sont incompatbile avec la Bible. et la sensualité?
© Pixabay

Tout est sujet à perversion et tentation. Maquillage, bijoux, tenues vestimentaires deviennent les signes de la présence du diable sur terre. Le pasteur du Vigan, M. de La Boissière, gentilhomme et mondain, subit les foudres de ses fidèles, sans nul doute parfaitement acquis à l’austérité calviniste, pour sa vêture et celle de sa femme. Point de coquetterie, de cheveux entortillés ou de maquillage superflu. Pas de condamnation, par la discipline, mais une admonestation, publique, pour remettre les dépravés dans le droit chemin.

Jeux interdits
Les jeux de hasard sont particulièrement condamnés. Ils enfreignent le troisième commandement. Mais surtout, les autorités ecclésiastiques les considèrent comme une perte de temps qui détourne l’homme de son travail. Jeux de cartes et jeux de dés sont considérés comme du vol puisqu’ils permettent de gagner de l’argent sur le dos d’un autre. Pour les huguenots du XVIe siècle, le jeu est le paroxysme de la perversion et de la déchéance. Il vient perturber l’ordre et la morale. Les sanctions pleuvent mais rien n’y fait, ils ne viennent pas à bout du mal.

Cinq siècles plus tard cette image colle encore à la peau des protestants. Ont-ils vraiment changé ? Certains coreligionnaires se posent encore en garant d’un certain ordre moral. D’autres, tout comme au XVIe siècle, refusent le poids des interdits, préférant vivre dans le monde et avec le monde.

Chanter, danser, c’est ce que faisait le roi David devant l’Arche de l’Alliance. La grâce que Dieu nous donne, cette liberté immense qu’il nous offre, sachons la saisir. Alors, dansez maintenant !

Nicolas BOUTIÉ
journal Le Cep

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