Cinéma

Jean Rouch aurait 100 ans !

01 juin 2017

 

Connu pour sa pratique du cinéma « direct » en 16 mm chez les peuples africains, et en particulier les Dogons du Mali, Jean Rouch, né le 31 mai 1917, fils d’un officier de marine météorologue et élève des ethnologues Mauss et Griaule, descend en pirogue les 4 200 km du fleuve Niger avant de se consacrer définitivement au cinéma ethnographique. Influencé par Dziga Vertov et Robert Flaherty, il fonde en collaboration avec Edgar Morin un mouvement salué par la Nouvelle Vague, le cinéma-vérité, dont Chronique d’un été est en 1961 le film manifeste.

Parmi plus d’une centaine de films, six de ses œuvres majeures tournées entre 1955 et 1971 sont aujourd’hui restaurées. Les maîtres fous montre, chez les Haoukas d’Accra (Ghana), le temps circulaire et répétitif du rite thérapeutique d’initiation et de possession. Filmée avec distance et sans complaisance, cette cérémonie violente est commentée par Rouch qui lui donne du sens – l’exutoire d’un peuple colonisé – et interdit au spectateur de céder à la fascination.

Moi un noir retrace le dur quotidien de jeunes nigériens en quête de travail dans un faubourg d’Abidjan. Les commentaires naïfs et insolents des héros qui doublent ceux du réalisateur font de ce film par ailleurs muet une catharsis ludique, jubilatoire et pleine d’humour au sein de la situation coloniale. La pyramide humaine repose sur un contrat audacieux qui transformera ceux qui l’ont accepté : des élèves de 1ère d’un lycée d’Abidjan imaginent un film basé sur une amitié « sans aucun complexe racial ». Ce psychodrame suggère le conditionnement des africains par leur milieu social et des européens par leur vie intérieure. La Chasse au lion à l’arc, réalisé au cours de sept missions ethnographiques, décrit minutieusement les différents rituels de cette chasse dans une dimension temporelle et spatiale mythique, sept ans au « pays de nulle part ». La surprenante séquence initiale de fabrication de l’arc, des flèches et du poison exalte l’Art des peuples premiers. Jaguar évoque l’aventure de trois amis en marche vers la Côte de l’Or (l’actuel Ghana) pour faire fortune. Ce voyage d’apprentissage se transforme en une quête de soi marquée par la disponibilité à toutes sortes de rencontres et d’échanges. Dans Petit à petit, un africain désireux de construire un « grand building » dans son village, part pour Paris pour voir « comment on peut vivre dans des maisons à étages », et le raconte dans des « Lettres persanes » adressées à ses compagnons.

Nouant le documentaire et la fiction, Jean Rouch, maître conteur et « griot gaulois », a pratiqué toutes les formes de récit autour des gestes fondamentaux du quotidien et des pratiques rituelles au Niger. Ne travaillant pas dans l’urgence, il savait se rendre disponible et impliquer les gens dans la réalisation de ses films. 

Rétrospective Jean Rouch (France), sortie le 7 juin 2017
6 ? lms restaurés : Les maîtres fous (1955, 36 min) ; Moi un noir
(1958, 73 min) ; La pyramide humaine (1961, 90 min) ; La chasse
au lion (1967, 77 min) ; Jaguar (1967, 91 min) ; Petit à petit
(1971, 96 min).

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www.pro-fil-online.fr

JEAN-MICHEL ZUCKER

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