Méditation

« Expier les péchés » : non, merci !

25 février 2017
Le Christ, nouvel agneau, a pleinement accompli le rituel du Grand Pardon

 

« Dieu a envoyé son Fils en victime d'expiation pour nos péchés » (1 Jn 4, 10, traduction TOB). Ces mots passent très mal aujourd'hui. À juste raison ! Car ils évoquent une théologie de la souffrance, voulue par Dieu et méritoire... qui n'est pas biblique. La plupart des traductions utilisent le mot « victime ». Or dans le texte grec ce mot n'y est pas ! Littéralement, le texte dit : « Dieu a envoyé son fils, propiation pour nos péchés ». Ce terme dit bien une action en notre faveur : Dieu nous est propice, favorable. Le mot renvoie au rituel du Grand Pardon (Yom Kippour) décrit en Lévitique 16 et 17. Toute la vie de Jésus, jusqu'à la croix est lue symboliquement comme similaire au rituel du Grand Pardon, mais c'est un « Grand Pardon » définitif ! Par sa vie, sa mort et sa résurrection Jésus a accompli de façon définitive et pour tous, l'équivalent du rite qui attestait le pardon au peuple juif. La mort de Jésus sur la croix n'est pas littéralement un sacrifice. Mais l'aboutissement de ce meurtre commis par les hommes est interprété ici comme le rituel du Grand Pardon : la résurrection de Jésus est attestation définitive du pardon. Dieu retourne la violence meurtrière en offre de vie et de pardon pour les hommes coupables.
La formule « Dieu a envoyé son Fils, propitiation pour nos péchés » renvoie au fait que Jésus est de façon symbolique, aussi bien comme le Grand Prêtre qui accomplit activement le rite, que comme l'animal sacrifié, que comme le couvercle (kappar, d'où Yom Kippour) où est versé le sang, lieu de « contact » entre l'homme et Dieu. Bref, accentuer le seul aspect de la victime sacrifiée est abusif !
Jésus : pas seulement un esprit !
De plus, dans le Nouveau Testament, le langage sacrificiel pour interpréter la croix est un langage parmi d'autres et il est minoritaire. Ajoutons que l'auteur de la 1ère lettre de Jean combat des adversaires qui lisent l'évangile de Jean en évacuant la dimension pleinement humaine de Jésus. Ceux-ci nient la pleine réalité corporelle de Jésus et donc de sa souffrance et de sa mort. Aussi, l'auteur insiste-t-il sur la réalité concrète de la mort de Jésus. Il n'était pas un pur esprit ! Il a corporellement enduré les conséquences du péché humain. L'accent de notre passage porte clairement sur l'amour de Dieu : « Voici comment s'est manifesté l'amour de Dieu pour nous... » (1 Jn 4, 9-10) Et notez le parallèle :
V 9 : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui.
V 10 : Dieu a envoyé son Fils propitiation pour nos péchés.
Toute une tradition théologique (Anselme de Canterbury XIe) et liturgique, qui n'est pas fidèle à la Bible, focalise l'attention sur une soi-disant nécessité de la souffrance pour que Dieu daigne nous pardonner ! Non ! Le Père plein d'amour pour nous donne ce qu'il a de plus cher pour dénoncer et, mystérieusement, mais souverainement, vaincre notre violence et notre mort. Le Fils, par amour, volontairement, va jusqu'au bout de son témoignage d'un Dieu de grâce, pour être vie et pardon pour nous.

 

 

En savoir plus

TEXTE LITURGIQUE

Un jour au milieu de nous
Il y eut un homme de chair et de sang,
Un homme perdu dans la masse des pauvres.

Ton Esprit s'est posé sur lui.
Il se disait le Fils de l'Homme ;
Il t'appelait son Père,
on l'appelait Jésus.
Nous apprenons de lui
qu'il a un Nom : « Dieu avec nous »
Dieu dans le monde, Dieu Sauveur.
Parce qu'il a été cette voix dans un corps,
douce et fraternelle à nos oreilles,
parce qu'il a été un ami,
nous montrant ta fidélité envers les petits et les pécheurs,
nous pouvons te bénir...

Extrait Préface 1 Liturgie ERF 1996

Françoise Pujol,
pasteur de l'Eglise protestante unie de France, à Revel.

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