Folles idées

Entre chardons et bâtons d’Aaron

01 octobre 2017

Jardiner est devenu un passe-temps majeur de notre société : entre les grands potagers des uns et les tomates en pot sur le balcon des autres, il y en a pour tous les goûts.

Autour de notre centre paroissial de La Chaume à Bourges, il y a un grand terrain. On ne peut pas vraiment parler d’une pelouse, nous tondons l’herbe juste le strict nécessaire. Le tout est entouré d’arbres et de haies. Comment l’entretenir, comment le faire vivre ? L’année dernière, lors de notre fête d’été, nous avons vécu un premier temps, pendant lequel nous avons fait une visite-découverte de notre « arboretum » informel : saules et amandier, cognassier et noisetier, laurier et bouleau... la palette est large !

Cultiver et planter

 Une visite dans un grand « jardin biblique » en Allemagne, dans la Hesse, était à l’origine de l’idée d’utiliser une petite partie de ce terrain : cultiver de manière participative cet univers lors de nos journées Kt, pour créer un jardin biblique à notre manière.
Parmi les enjeux : faire résonner les textes bibliques (qui s’appréhendent habituellement par les yeux ou les oreilles) à travers des gestes concrets, mais aussi prendre plaisir ensemble à un projet partagé durant toute une année, et faire participer d’autres personnes, de la communauté et bien au-delà !
Que peut-on voir dans le beau jardin biblique, à l’origine de l’initiative ? D’ailleurs : c’est quoi, un jardin biblique ? Dans un premier temps, c’est un jardin avec son organisation propre, ses espaces, ses allées, ses bordures et... avec ses plantations un peu spéciales.
Et puis : il y a des récits bibliques qui résonnent dans ce jardin. Un exemple : un grand carré évoque les sept jours de la création, comme elle est contée dans le premier chapitre de la Genèse. Des éléments de poterie marquent les jours : le tohu-bohu, l’émergence de la terre ferme, etc. 
 
Jardin biblique (Bidelgarten) à Bad Soden-Allendorf : les bancs invitent à la méditation © Angelika Krause 

Il y a d’autres histoires qui méritent un carré bien à elles : la fable de Yotam incite à planter un olivier, un pied de vigne, un figuier et... un buisson d’épines. Ou encore : on peut imaginer une évocation de la porte du temple de Jérusalem, sous laquelle un ruisseau surgit, qui devient fleuve, et au bord duquel les arbres ne flétrissent jamais.
Cucurbitacées et lys des champs, graine de sénevé et ail, ricin et poireaux font partie du décor de nos récits fondateurs. Plantés à certains endroits, ils peuvent renvoyer à des coins-lecture où l’on peut découvrir les passages où ils jouent un rôle central.
Mais si on veut vivre ce processus de jardinage pas uniquement comme un joli loisir, un décorum du centre paroissial, alors la transposition à partir du jardin en Allemagne s’arrête là ! Elle peut donner des idées et des points de départ, mais si nous visons la participation d’autres personnes, il faut leur laisser de la place pour leurs propres réalisations. Imaginent-elles les coins de lecture dans des hamacs ou des abris tissés avec des branches de saule ? Veulent-elles mettre en avant des plantes qui portent leurs noms à cause d’un récit biblique, comme le fruit de la passion ou le bâton d’Aaron1 ?

Regarder et écouter

Le serpent qui guette... Évoque-t-il la sortie du paradis ou les morsures dans le désert, ou encore ? © Angelika Krause
  Un jardin biblique est nécessairement un projet ouvert. D’ailleurs, je vois déjà venir des moments d’arbitrage douloureux. Car le bâton d’Aaron pousse déjà sur le terrain. Et nous le craignons car les baies rouges de cette jolie plante sont toxiques. Faudra-t-il imaginer une petite partie du jardin où on voit les plantes par des ouvertures sans pouvoir les toucher ? Ou finir par les arracher, malgré leur nom évocateur ?
Un jardin peut être un univers qui dépend uniquement de ses créateurs, encore faut-il faire un minimum avec les données de l’environnement. Mais le grand paysagiste Gilles Clément – qui avait parrainé la Biennale de l’Art contemporain 2015 à Melle « Jardins de Dieu, jardins des hommes » – incite fortement à faire à partir de et avec les réalités du terrain.
Un modeste jardin d’une Église locale aura bien besoin de faire avec le capital et le potentiel existants pour réussir. Alors, il nous faudra regarder ensemble toutes nos richesses : le saule pleureur, les pieds de vignes retournés à l’état sauvage, les chardons... Ouvrons ensemble nos concordances des textes bibliques et nos moteurs de recherche ! 

Explorons psaumes et histoires moins connues ! Faisons-nous la main à partir de notre réalité et regardons comment nous avons envie de lui donner une forme.Et puis : il y aura certainement des idées spontanées qui surgiront à partir des noms vernaculaires des plantes. Ainsi les « grandes oreilles » pourraient mettre en valeur un endroit destiné à l’écoute. Est-ce qu’une équipe se formera autour du Cantique des cantiques en plantant des herbes sauvages, en palissant une treille, en plantant un pommier ? On m’a déjà parlé d’une ruche, j’étais un peu hésitante, mais peut-être trouvera-t-elle une place appropriée ? Et quel sens trouvera ce magnifique monument mortuaire en pierre de taille ? Une réflexion sur la vie et la mort ?

Chercher et découvrir

Créer tout cela durant des dimanches ? Avec quelques enfants, impossible, même s’ils se passionnent. Le tour sera joué si d’autres s’emparent du support : une paysagiste pour nous aider à tirer les grandes lignes sur le terrain une fois les souhaits formulés. Une artiste a déjà travaillé avec les enfants pour créer la poterie autour de la Genèse, durant des après-midis de pluie. Un nombre impressionnant d’araignées est sorti du four d’un potier ami. Un passionné de menuiserie pour construire cabane et bancs... nous le cherchons encore. Peut-être même un groupe d’étude biblique d’un autre genre ? Parents et grand-parents seront des personnes-ressources pour la culture des céréales ; ou pour la construction de murets et autres tourelles.

Il y a quelques années, les enfants ont découvert que « tout » commençait avec l’arbre de la connaissance qui pousse au centre du jardin de la Genèse ; au milieu du texte biblique, chez le prophète Ézéchiel, ils ont repéré toute une rangée d’arbres qui fleurissent et portent des fruits tout au long de l’année ; et l’Apocalypse reprend cette vision pour souligner que les feuilles de ces arbres guériront. Les enfants, est-ce qu’ils vont se rappeler ? Et qui plus est : sauront-ils trouver un moyen pour exprimer cette découverte ?
Peut-être commencez-vous déjà à tourner les pages de votre bible ? Ou peut-être passerez-vous par Bourges l’année prochaine ? En plus de nos petits écriteaux de « l’arboretum spontané » dans lequel nous avons le privilège de déambuler, vous regarderez : peut-être alors verrez-vous comment ce terrain a résonné au contact de la tradition biblique.
 
Dans le jardin de La Chaume à Bourges, les enfants de l'école biblique enterrent un hérisson et ont choisi une plantation © Angelika Krause
Un vieux tronc d'arbre, transformé en vitrine accessible
aux visiteurs, permet de consulter la Bible © Angelika Krause

 

1 Il s’agit de l’amandier – Nombres 17.23 : Le jour suivant, Moïse entre dans la tente. Il voit sur le bâton d’Aaron, de la tribu de Lévi, des boutons de fleurs, des fleurs et des amandes mûres.

 
Angelika Krause

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