Mai 68

Entre Caen et Paris

01 septembre 2018

L’été 1967, un amour de jeunesse, protestant comme moi, étudiant en philosophie à Toulouse, m’avait offert La Société du Spectacle, et convertie aux théories de Guy Debord, un des chantres du situationnisme.

Dès les premières étincelles de Mai 68, j’ai couru à Paris par crainte que tout se termine avant que les choses ne commencent.
J’ai dû retourner à Caen pour savoir si les examens auraient lieu ou pas. La faculté des lettres était en ébullition. Les professeurs rebaptisés mandarins étaient conspués en bloc et en détail. Certains voulaient s’en pendre à Pierre Chaunu, en le retenant dans son bureau. Je m’y suis opposée farouchement. C’était ne rien comprendre à Pierre Chaunu que de vouloir le cloîtrer entre quatre murs. Son génie, c’était de vous ouvrir l’esprit, de bouleverser l’histoire officielle, de dresser des mises en relation audacieuses des événements aussi bien politiques que culturels, à travers les périodes, les continents, les sociétés.

 

Le 28 mai, à l’annonce de Caen ville morte qui avait lieu le lendemain, je suis rentrée en décapotable grâce à l’essence stockée dans une baignoire. Les étudiants formaient des chicanes humaines fermant les accès de Caen. Pas une voiture dans les rues. Elles étaient garées, serrées comme des sardines, derrière les immeubles par crainte des débordements révolutionnaires.
Caen, le 29 mai, fut une journée à mourir d’ennui. Je peux en témoigner ayant quadrillé la ville morte en Solex. On n’entrait plus, on ne sortait plus. À une seule exception près : Hispano, le cheval de mon père, s’est échappé précisément ce jour-là. Puis, les étudiants sont partis en vacances et les accords de Grenelle ont mis fin au chaos.

Pascale R.

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