Des paraboles pour nous déstabiliser

01 février 2019

L’Église réformée de Bourges-Vierzon a eu l’occasion d’accueillir pour une conférence une personne issue de ses rangs, et qui a fort bien tourné : Céline Rohmer, enseignante-chercheuse en Nouveau Testament à la Faculté de Théologie protestante de Montpellier.

Un an plus tôt, Céline Rohmer avait reçu le Grand Prix Bible de la part du jury du Salon régional du livre et des médias chrétiens de Dijon pour son ouvrage : Quand parlent les images - Les paraboles dans l’Évangile de Matthieu, publié chez Olivétan.

Une conférence décapante

Le titre de sa conférence Quand Jésus parle en paraboles ou comment déconcerter ses auditeurs, a tenu ses promesses devant une salle entièrement remplie, et pas seulement par des chrétiens labellisés. Ce qui était déconcertant, c’était beaucoup d’érudition alliée à beaucoup de fraîcheur et de clarté. Quiconque avait lu le livre aura eu la surprise de ne pas entendre une reprise de celui-ci, mais des perspectives nouvelles, bien servies par des projections qui soutenaient le propos au lieu d’en distraire l’auditoire. Déconcertantes, les paraboles de Jésus le sont encore plus. La para-bole, c’est un discours jeté à côté, décalé, et qui se prête à des lectures infiniment renouvelées. C’est un récit crypté qui, étrangement, peut révéler beaucoup plus que ce qu’il dit. Il est à peu près inépuisable. La conférence à sa manière, et le livre à la sienne, nous le démontrent. Qu’il s’agisse de la parabole du Semeur, de la parabole dite du bon Samaritain, de celle des Talents, de celle des Ouvriers de la onzième heure qui nous prend complètement à rebrousse-poil, on s’aperçoit que certes, on ne peut pas en tirer n’importe quoi (ce serait trop commode), mais que notre théologie bien verrouillée se trouve toujours déstabilisée par ces historiettes. Pour ne prendre que l’exemple de la parabole du bon Samaritain, elle nous donne des pistes sur le salut, qui est la question initiale ; mais quant à la réponse qu’on aurait aimé recevoir, oui, elle est déconcertante, elle est ouverte, elle est vertigineuse, elle indique la voie du salut, mais ne permet pas de conclure sur la destinée éternelle des personnages mis en scène, ni d’être très bien renseigné… sur la nôtre. Ce sont des récits non dogmatiques, contrairement aux épîtres qui ont pour vocation de clarifier les notions et de discipliner des communautés susceptibles d’être « emportées à tout vent de doctrine ».

Des textes pour se (re)mettre en route

Il faut de tout pour faire un·e chrétien·ne : des repères pour traverser dans les clous… et des discours décalés pour signifier aux pharisiens de tous les temps que le strict respect du code ne suffit nullement1. « La parabole est une histoire qui fait aller au-delà et à côté », explique Céline Rohmer. Et c’est en cela que les Évangiles et, au premier chef, les paraboles, sont à la fois enthousiasmants et un peu insécurisants.
Un théologien (d’ailleurs spécialiste de l’évangélisation des musulmans) faisait un jour remarquer que les Églises les plus fermes sur la doctrine avaient tendance à lire plutôt l’Ancien Testament et les épîtres, et à contourner les Évangiles. Pourtant, s’il ne fallait sauver que quatre livres bibliques, ce serait évidemment ces derniers, qui sont les plus directement revêtus de l’autorité du Christ. C’est étrange, mais c’est ainsi.
Il faut donc recommander le livre de Céline Rohmer, parce que non seulement il est instructif et digeste, mais parce qu’il nous incitera à faire plusieurs relectures des paraboles de Jésus.

Philippe Malidor

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