Cap au large

Des huguenots en Caroline du Sud

01 novembre 2018

Christian Moreau et son épouse, de l’Église protestante unie de Vendée ouest, ont rendu visite en mai dernier à leur fille en Caroline du Nord. Ils en ont profité pour descendre un peu plus au sud, à la découverte de Charleston en Caroline du Sud.

Charleston a été fondée en 1670 par les Anglais sous le nom de Charles Town. Elle fut d’abord une colonie, avant de devenir une ville commerciale importante. Dans les années 1730, elle devint un grand centre de la traite des Noirs, qui y étaient amenés de force pour travailler dans les plantations de riz. Près de 40 % des esclaves arrivant en Amérique du Nord transitaient par Sullivan’s Island, aujourd’hui municipalité autonome située à l’entrée du port de Charleston.

Une ville plaisante

C’est dans ce berceau sudiste que se déroula, le 12 avril 1861, l’un des premiers épisodes de la guerre de Sécession : le bombardement, par les forces confédérées, de Fort Sumter dans la baie de Charleston.
Nous avons tout de suite adoré cette ville. Nous n’y avons passé qu’une journée mais nous avons apprécié la beauté des lieux et une certaine douceur de vivre malgré la chaleur humide du printemps.

Ses ruelles pavées sont jalonnées de demeures coloniales, d’églises blanches, de maisons patriciennes et d’hôtels particuliers. Toutes les maisons arborent des jardins très fleuris où pousse une végétation luxuriante. On voit un peu partout des magnolias en fleurs et des citronniers. Avec son architecture datant d’avant la guerre de Sécession la ville semble comme suspendue dans le temps. Les monuments historiques et les propriétés de l’époque coloniale soigneusement préservées abondent, en particulier dans les rues étroites du quartier historique de Charleston.

   
L’église huguenote française de Charleston © Akhenaton06

Un cimetière huguenot

Le quartier français, en centre-ville, est traversé de petites ruelles pavées de pierres, et là nous sommes tombé sur une église huguenote. Elle était fermée mais par le portail ouvert, nous sommes entrés dans le cimetière et à notre grand étonnement beaucoup de tombes avaient des patronymes français. Après nous être renseignés, il apparaît que cette église huguenote de Charleston, l’Église du Saint-Esprit, a été construite par les réfugiés huguenots vers 1687. En 1685, le bateau le Richemond débarqua une cinquantaine de familles. Le voyage a été financé par la couronne d’Angleterre, afin que les huguenots s’installent dans cette zone pour y développer la culture de la vigne, du mûrier et de l’olivier. Ils créent des fermes modèles, procèdent au défrichement et développent l’agriculture. Le révérend Phillipe Trouillard semble avoir effectué le premier service. En 1687, Élias Prioleau devient le premier pasteur ordinaire de l’Église. Prioleau avait été pasteur d’une église dans la ville française de Pons en Charente-Maritime avant qu’elle ne soit démolie en 1685. Prioleau est resté pasteur de l’Église huguenote de Charleston jusqu’à sa mort en 1699. Après avoir brûlé en 1740, le bâtiment actuel a été reconstruit en 1845.

Stèles du cimetière huguenot de Charleston © Christian Moreau

 Une congrégation indépendante

Les familles associées à l’Église à ses débuts sont les Gourdin, Ravenel, Porcher, de Saussure, Huger, Mazyck, Lamar et Lanier. Les premières années de l’Église sont difficiles à connaître en raison de la perte de ses premiers registres détruits lors de l’incendie en 1740. Ensuite, les familles sont les Bacot, de la Plaine, Maury, Gaillard, Meserole, Macon, Gabeau, Cazenove, l’Hommedieu, l’Espenard, Serre, Marquand, Bavard, Baudouin, Marion, Laurens, Boudinot, Gibert, Robert et Fontaine. Des huguenots ont continué à migrer vers la Caroline tout au long de la première moitié du XVIIIe siècle, bien que la plupart de leurs congrégations aient été progressivement absorbées par l’Église épiscopale.
La congrégation d’aujourd’hui date de 1983. L’Église huguenote possède maintenant des services réguliers en anglais, bien que depuis 1950, un service annuel soit dit en français pour célébrer le printemps. La congrégation enseigne toujours la doctrine calviniste. Les services liturgiques sont dérivés de ceux développés par le canton de Neuchâtel de 1737 et 1772. L’Église est dirigée par un Conseil d’administration et conseil des anciens. C’est la seule Église huguenote indépendante d’Amérique restée fidèle à la tradition réformée calviniste. Un service en français y est célébré, tous les ans, le 13 avril, le Huguenot Day jour anniversaire de l’édit de Nantes.

Un général de brigade protestant

À notre retour, vers la Caroline du Nord, nous sommes passés tout près d’une petite ville appelée Marion dont l’histoire est bien connue aux Sables-d’Olonne et dans un de ses quartiers, La Chaume, où je suis né.
Ce quartier des Sables-d’Olonne est aussi le lieu de naissance de Benjamin Marion, issu d’une riche famille protestante dont le père Jean Marion était marié avec Perrine Bastignon de Talmont. À la révocation de l’édit de Nantes leur nom disparaît des registres paroissiaux. Nous savons par les archives américaines (The National huguenot society) qu’ils ont gagné la Caroline du Sud et que des enfants sont nés là-bas, dont le fameux Francis Marion, général et héros de la guerre d’indépendance des États-Unis. Le film The patriot s’inspire de ses faits d’armes, comme lieutenant-colonel dans l’Armée continentale puis général de brigade dans la milice de Caroline du Sud. La ville de Marion en Caroline du Nord porte son nom en hommage à son courage et à ses victoires sur les Anglais.

Christian Moreau

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