Film

BlacKkKlansman : j’ai infiltré le Ku Klux Klan

01 novembre 2018

 BlacKkKlansman, un film de Spike Lee. Sortie le 22 août 2018 (USA, 2h16)

Grand Prix au dernier festival de Cannes, BlacKkKlansman bouscule le spectateur par un mélange des genres assumé, et même souligné dans ses ruptures de ton : comédie, film policier, thriller, imitations ponctuelles des films de blaxploitation des années 1970, buddy movie à la Starsky et

Hutch, satire sociale… Il démarre même comme un biopic inspiré du livre de Ron Stallworth Le noir qui infiltra le Ku Klux Kan, reproduisant de façon très fidèle les difficultés du premier policier noir du Colorado Spring Police Department à s’imposer auprès de ses collègues et supérieurs.

C’est lorsque commence l’infiltration proprement dite que la fiction reprend ses droits : Stallworth téléphone au Klan en clamant sa haine des Noirs et confie à son alter ego Flip Zimmerman le soin de rencontrer en chair et en os ses interlocuteurs, en se faisant passer pour son collègue. Dans la réalité, ledit alter ego n’était pas juif et le changement n’a rien d’anodin. Il permet de ridiculiser un peu plus David Duke et les « rednecks » qui l’accompagnent (lesquels, par leur bêtise arrogante, semblent tout droit sortis d’un film des frères Coen). Mais il permet également de souligner l’antisémitisme de ceux-ci, et leur délire complotiste. Cela donne aussi une connotation différente à la sinistre pratique des croix enflammées qui accompagnaient les lynchages du Klan.

Les extraits d’Autant en emporte le vent (1938) et de Naissance d’une nation (1915) qu’utilise dans son film Spike Lee sont révélateurs : questionner ces classiques mythiques, fondateurs du cinéma américain et en reprendre les procédés est un moyen de dénoncer la dimension inconsciente et culturelle du racisme américain. Le scénario souligne cependant la volonté de Stallworth de rester envers et contre tout un policier au service de son pays, tout autant qu’il prend ses distances avec les appels à la violence de certains leaders afro-américains des années 1970. Ultime parallèle de son Americana, Spike Lee reprend des images des manifestations de Charlottesville en 2017 et du meurtre d’une jeune femme, Heather Heyer, par un suprémaciste blanc. Et c’est un moyen de tacler au passage le discours d’alors du président en exercice, dont le fantôme ubuesque plane sur tout le film.

© DR

 

 

Philippe Arnaud

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