Aumônerie des prisons

Barbelés et coquelicots

01 juin 2018
Les petits porteurs d'espoir ...
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Observez comme poussent les fleurs des champs : elles ne travaillent pas, elles ne font pas de vêtements. Pourtant, je vous le dis, même Salomon avec toute sa richesse n'a pas eu de vêtement aussi beau qu'une de ces fleurs....Ne vous inquiétez donc pas du lendemain...à chaque jour suffit sa peine(Matthieu 6.28-29 et 34).
Il est 9 h en ce beau vendredi de printemps, jour de visites individuelles à la prison du Pontet. Devant les grillages et les barbelés entremêlés sur plusieurs rangées hostiles, un beau tapis pourpre de « gentils coquelicots » s'est déployé là, comme un clin d'œil de la nature à la dureté des lieux. Fleurs, inquiétude du lendemain, peine...

Accomplir sa « peine »
Ce passage de Matthieu tombe à point nommé au moment où je m'apprête à passer le portique de sécurité pour rencontrer ces hommes qui accomplissent leur peine. La peine... C'est, pour beaucoup, celle d'être privé de cette belle nature. Celle de Laurent qui se languit de ses forêts cévenoles, celle de Luc qui avant d'être enfermé passait des heures à arpenter les sentiers du Mont Ventoux, se laissant émerveiller par les sources sautillantes, les fleurs et les paysages.
Alain à qui je rends visite vient de changer de cellule. Celle-ci a une orientation différente de la précédente. Ce matin, son regard est moins triste que d'habitude : « Cette nuit, j'ai vu la lune. Je ne l'avais pas vue depuis plus de trois ans que je suis incarcéré. J'étais heureux comme un gamin ! »

La peine des jours
Et voilà que Jésus s'adresse à ces hommes et évoque les merveilles de la nature et la peine des jours. À chaque jour suffit sa peine.Surtout pour ceux qui souffrent après avoir fait souffrir et qui savent ce qu'est la peine-sanction, suite au jugement et à la sentence du juge d'application « des peines ». Peine de l'enfermement, bien-sûr, peine affective qui atteint le moral : chagrin de la séparation, perte de l'estime de soi, peine de la déconsidération, de la promiscuité, du regard souvent hostile des autres...

Venez à moi...
Nous autres aumôniers, devant tous ces malheurs individuels et ces jours enténébrés, nous écoutons sans forcément chercher à trouver la réponse idéale. L'écoute inconditionnelle est peut-être déjà une démarche d'évangélisation. Nous, « les petits porteurs d'espoir »*, nous qui sommes plusieurs fois par semaine auprès de ces hommes qui supportent le poids de ces peines plurielles, nous qui ne trouvons pas toujours les mots à la hauteur de l'attente, nous nous laissons guider par Jésus qui nous invite à nous décharger sur lui : « Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau … Moi je vous procurerai le repos ».

Jean-Claude GÉNIN,
aumônier au centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet

* Cette expression n'est pas de moi. Je trouve qu'elle reflète bien ce que nous sommes.

 

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