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Aumônier des hôpitaux, pour quoi faire ?

01 janvier 2020

Depuis août dernier, je suis aumônier des hôpitaux de la Rochelle-Ré-Aunis et de Rochefort. J’avoue qu’après plus de 25 ans de ministère pastoral paroissial, la fonction est totalement différente : au-delà de la visite « religieuse » que je connais, demandée par la personne protestante hospitalisée ou par un proche, j’interviens majoritairement dans la visite fraternelle, spirituelle au sens très large.

André Comte-Sponville, philosophe, parlait de « spiritualité laïque » ! La « spiritualité » n’est de fait pas l’apanage des religions et les patients « non religieux » ont eux aussi des questions existentielles et le droit d’avoir un interlocuteur, écoutant, bienveillant devant leurs questions, positions, attentes…

Être à l’écoute

L’hôpital est un lieu bien particulier ; où émergence de la vie et mort se côtoient, où l’espérance et le désespoir sont voisins de chambre ; où la finitude se rappelle souvent violemment, aux patients comme aux soignants.
Dans ce contexte, je prends mon « bâton de pèlerin », et la première qualité, me semble-t-il, de l’aumônier est l’écoute et je vais de service en service demander aux équipes si elles ont discerné des patients qui semblent plus moroses, seuls, pleurent, posent des questions auxquelles les équipes, soumises aux lois de laïcité, ne peuvent répondre…

 
Nathalie Paquereau
© Christian Barthélémy

Car cette dimension, spirituelle, participe du bien-être, du mieux-être du patient. Chacun sait comme le moral compte dans la guérison ; comme nous ne sommes pas « juste » un corps, mais un être d’esprit, de conscience, de réflexion…
Si je ressens que bien des soignants ont des réserves sur le mot « aumônier » qui renvoie à la religion (voire à l’extrême-onction !), beaucoup sont ouverts à la dimension d’accompagnement spirituel. Aussi, chaque jour, on me signale des patients. Là, que de questions au travers des souffrances… Mon humble silence est souvent la seule réponse.

Et offrir du temps

Ainsi en était-il de ce monsieur dont j’ai accompagné l’épouse en soins palliatifs. Se disant athée, il m’a demandé, les yeux pleins de larmes : « Expliquez-moi pourquoi, lorsqu’un chien souffre sans possibilité de guérison, par amour on l’euthanasie… Et là, je dois laisser ma femme souffrir sous mes yeux sans pouvoir rien faire… ». Ou ce monsieur, pour lequel une équipe de soins intensifs a fait appel à moi, qui ne comprenait pas « ce qu’il avait fait pour mériter ça »… puis a rassemblé toutes ses dernières forces pour se mettre dans une colère noire, mots-maux (?) qui ont pu sortir, avant de s’éteindre quelques heures plus tard. Mais aussi cette personne, usée par l’abus de substances, me demandant si Dieu allait lui pardonner et l’aider ; ou cette autre, dans une solitude extrême, ayant besoin de quelqu’un pour l’aider à relire sa vie.
Alors que les soignants n’ont plus de temps d’écoute pour les patients, la technicité la plus rapide possible leur étant demandée, offrir « du gracieux », du temps, de l’écoute, une parole d’espérance, une présence fraternelle, un silence partagé, un échange de point de vue éthique, une éventuelle parole qui libère des culpabilités parfois tellement pesantes est un beau ministère que je remets sans cesse dans la prière. Car j’avoue que jamais auparavant je n’avais senti de manière aussi prégnante la nécessité du soutien du Dieu de Jésus-Christ, que je rencontre sans cesse… dans chaque chambre.

Nathalie Paquereau

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