Les Andes célestes

Anges arquebusiers et inculturation

01 juin 2017

Le Musée de Fourvière poursuit un travail de présentation de l’art sacré des différents continents. L’exposition de cette année est particulièrement surprenante par l’iconographie et le style de la peinture présentée.

D’un style tout à fait inconnu en Europe cette peinture qui a émergé au XVIIe siècle au Pérou pour répondre aux besoins de l’évangélisation des populations incas, fait la part belle à la culture des Indiens. Elle est imprégnée des techniques et de l’iconographie européenne et en même temps reprend des personnages, des techniques et des perspectives propres à la culture inca. La représentation de la Trinité qui reprend les images des dieux triplés de la religion inca pour expliquer la triple personnalité divine a sans doute eu plus de poids auprès des fidèles qui ont pu les regarder dans les églises que tous les discours théologiques et catéchétiques. Le visage du Christ si proche de celui des nobles espagnols comme les anges arquebusiers vêtus comme des soldats et évoquant les divinités du tonnerre frappaient plus sûrement les foules que s’ils avaient ressemblé aux représentations de tableaux européens.

 

Mélange de cultures et de couleurs

Enfin l’univers des fidèles est repris dans les couleurs brillantes, les fruits, les décors et les animaux flamboyants permettant ainsi aux nouveaux convertis de s’imprégner de la foi chrétienne et de s’approprier la vision du monde qu’elle développe pour l’adapter à leur vie. Le mélange des artistes européens et des artistes émergents de ce continent a créé sous l’impulsion de l’évêque de Cuzco une école originale et puissante qui va durer jusqu’au début du XVIIIe siècle dans les différents pays sous l’influence de l’Espagne. Cette peinture met en relief ce que peut représenter une inculturation apparemment réussie en utilisant les techniques et les images d’un peuple pour présenter la religion d’un autre peuple qui cherche à s’imposer et qui le fait en s’inspirant de l’environnement et du passé des populations évangélisées. La beauté et le dynamisme de ces peintures frappent et méritent vraiment un regard attentif pour bien comprendre ce que les uns ont voulu dire et les autres ont entendu.

 

Une exposition rare et originale

Il faut faire mention de la générosité des collectionneurs qui ont rassemblé cette impressionnante collection et qui la prêtent largement à des musées pour que chacun puisse la voir. Je vous invite à profiter de ces semaines jusqu’à la fin du mois de juin pour venir visiter cette exposition rare et originale qui montre l’importance qu’a pu avoir la peinture dans l’enseignement du Christianisme en Amérique latine.

Michèle BEHR
Lyon

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